Guerre au Proche-Orient : pourquoi le Hezbollah reste une menace pour Israël (même s'il est affaibli)

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
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Des combattants du Hezbollah lors des funérailles de Mohammed Srur, un responsable de l'organisation, le 27 septembre 2024. (AFP)
Après plus de deux semaines de combats au sol contre Israël et en dépit de l'assassinat de plusieurs de ses cadres, l'organisation islamiste reste opérationnelle et bénéficie toujours du soutien de l'Iran.

Le Hezbollah a subi ces dernières semaines une série de revers retentissants au Liban. Le 17 septembre, des explosions simultanées de bipeurs et de talkies-walkies de membres de l'organisation islamiste libanaise ont causé la mort d'au moins douze de ses partisans. Dix jours plus tard, l'armée israélienne a revendiqué l'assassinat du leader historique du mouvement, Hassan Nasrallah. La puissante milice chiite libanaise est la cible prioritaire de l'Etat hébreu, depuis fin septembre, et l'élargissement au Liban de la guerre engagée par Israël contre le Hamas, dans la bande de Gaza, après les attentats du 7-Octobre.

En réaction, le Hezbollah intensifie ses attaques, notamment contre Haïfa, la deuxième plus grande ville d'Israël, et contre l'agglomération de Tel-Aviv. Quatre soldats israéliens ont été tués et plus de 60 autres ont été blessés, dimanche 13 octobre, sur la base militaire de Binyamina, dans le nord d'Israël. Cette frappe de l'organisation islamiste a été la plus meurtrière de ces derniers jours sur le sol israélien. Au lendemain de ce bombardement, le Premier ministre israélien s'est montré inflexible : "Je tiens à être clair : nous continuerons à frapper sans pitié le Hezbollah", a lâché Benyamin Nétanyahou, Mardi 15 octobre, le chef du gouvernement israélien a affirmé qu'il s'opposait à tout cessez-le-feu "unilatéral" au Liban. Voici pourquoi en dépit des coups portés par Tsahal, le Hezbollah reste une menace pour l'Etat hébreu.

Parce que ses drones peuvent être destructeurs

Depuis le lancement d'une offensive israélienne au sol dans le sud du Liban, le 30 septembre, l'Etat hébreu subit en guise de riposte de multiples frappes aériennes de la part du Hezbollah et de son parrain iranien. Le 1er octobre, l'Iran a ainsi envoyé quelque 200 missiles contre Israël. Le 6 octobre, l'organisation libanaise a annoncé avoir "lancé une salve de roquettes Fadi 1 sur la base de Carmel" près de Haïfa. Une semaine plus tard, la milice chiite a assuré avoir lancé "une escadrille de drones" contre la base de défense aérienne de Kiryat Eliezer, tuant quatre soldats. Le lendemain, elle a dit avoir visé une base navale et une caserne, près de Netanya, localité côtière au nord de Tel-Aviv.

En un mois, "le Hezbollah a subi de lourdes pertes", observe Orna Mizrahi, chercheuse à l'Institut d'études de sécurité nationale de l'université de Tel-Aviv et ancienne lieutenant-colonel de l'armée israélienne. "Selon nos recherches, le groupe a perdu les deux tiers de ses missiles de courte et moyenne portée. Mais son arsenal est tellement vaste qu'il lui reste de très nombreuses armes", précise cette ancienne membre du Conseil de sécurité nationale du Premier ministre israélien.

"Le Hezbollah a assez de capacités pour continuer à attaquer Israël pendant longtemps. Au début de la guerre, on estimait que l'organisation disposait de plus de 150 000 roquettes et missiles."

Orna Mizrahi, chercheuse à l'Institut d'études de sécurité nationale de l'université de Tel-Aviv

à franceinfo

Surtout, le Hezbollah peut déployer des drones particulièrement destructeurs. Le 13 octobre, la frappe meurtrière contre la base militaire israélienne de Binyamina a été opérée non pas par des missiles ou des tirs de roquettes, mais par un drone isolé, rapporte l'agence américaine Associated Press. "Nous avons déjà six morts ces dix derniers jours à cause des drones", a ainsi déclaré un ancien responsable militaire cité par AP. Ces armes "représentent un enjeu majeur pour Israël car elles sont plus difficiles à intercepter", souligne Orna Mizrah, précisant que "ce sont des appareils très petits, qui peuvent voler en basse altitude et être indétectables", y compris par le Dôme de fer israélien.

Le Hezbollah a commencé à déployer des drones de fabrication iranienne après le retrait d'Israël du sud du Liban en 2000 et a envoyé son premier drone de reconnaissance, le Mirsad, dans l'espace aérien israélien en 2004, rappelle AP. La milice a également déployé des drones pour affaiblir la défense aérienne israélienne, en ciblant les batteries et les infrastructures chargées de les neutraliser. Afin de renforcer la défense globale de son allié, Washington a annoncé le 15 octobre déployer un système de défense antimissile Thaad et une centaine de soldats en Israël. Ce dernier sera "pleinement opérationnel dans un avenir proche", a déclaré le porte-parole du Pentagone.

Parce qu'il n'est pas le seul ennemi d'Israël

Israël dispose de l'une des armées les plus puissantes du Proche-Orient, soutenue par les milliards de dollars d'aide des Etats-Unis et de ses alliés occidentaux. Selon le Wall Street Journal, Tsahal compte également 170 000 militaires actifs et 465 000 réservistes. Mais, malgré un arsenal de pointe et d'importantes ressources humaines, l'armée a été mise à l'épreuve par une année de combats contre le Hamas dans la bande de Gaza et contre les groupes régionaux alliés de Téhéran. Le 4 octobre, le guide suprême iranien Ali Khamenei a réaffirmé son soutien à ses alliés et a assuré que "la résistance dans la région" ne reculerait pas "malgré les martyrs".

Le 14 octobre, l'armée israélienne a ainsi dit avoir intercepté deux drones qui s'approchaient d'Israël depuis la Syrie. Ces derniers mois, la "Résistance islamique en Irak", nébuleuse de groupes armés pro-iraniens, a revendiqué à de nombreuses reprises des tirs de drones contre des cibles en Israël. Les rebelles yéménites houthis affirment régulièrement frapper le territoire israélien via des drones ou des missiles et viser des navires israéliens en mer Rouge.

En conséquence, Tsahal "manque de munitions et de pièces détachées et aurait du mal à trouver les ressources nécessaires" si la guerre contre le Hezbollah s'étendait, expliquaient en juillet des spécialistes militaires dans Foreign PolicyCet été, l'armée israélienne a également reconnu qu'elle souffrait d'une pénurie de chars et de munitions, note Haaretz. Des commandants de l'armée ont alerté sur l'épuisement de leurs troupes et une organisation israélienne de soutien aux réservistes Nifgashim a signalé qu'environ 10 000 d'entre eux avaient demandé un soutien psychologique, ajoute le Jérusalem Post.

"Les Israéliens se retrouvent dans une impasse. Ils peuvent bombarder et détruire le Liban en vingt-quatre heures, mais ils n'auront pas résolu la question de leur sécurité", estime Joseph Bahout, directeur de l'Institut Issam Farès à l'Université américaine de Beyrouth.

"Même si Israël parvient à combattre les proxys iraniens, il devra affronter Téhéran qui est prêt à tout pour la survie de son régime."

Joseph Bahout, directeur de l'Institut Issam Farès à l'Université américaine de Beyrouth

à franceinfo

Pour Hilal Kashan, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth, cette guerre régionale reste toutefois asymétrique. "On ne peut pas comparer les moyens militaires d'un Etat et ceux de milices", prévient-il auprès de franceinfo. "L'armée israélienne exagère les forces de ces groupes pour justifier ses combats. C'est de la propagande."

Parce que ses combattants sont prêts à la guérilla

Même si le Hezbollah ne dispose ni d'une défense antiaérienne puissante ni d'un arsenal militaire similaire à Israël, le groupe islamiste présente de nombreux avantages tactiques et opérationnels sur le terrain. Depuis la dernière guerre qui l'a opposé à Israël en 2006, le Hezbollah a considérablement développé ses capacités militaires en construisant notamment des tunnels et des tranchées dans le sud du Liban et dans la plaine orientale de la Békaa. La milice dispose de combattants parmi les plus qualifiés du Moyen-Orient, entraînés aux côtés des troupes de Bachar al-Assad et de son allié russe, lors de la guerre civile syrienne de 2011, rappelle Foreign Policy.

Depuis sa naissance en 1982, le Hezbollah a été "un mouvement de guérilla sur le terrain très efficace", rappelle la sociologue Erminia Chiara Calabrese, chercheuse associée a l'Institut français du Proche-Orient à Beyrouth. "Pour le moment, les combattants du Hezbollah engagés dans le sud tiennent le coup et sont en train de repousser les tentatives d'invasion terrestres israéliennes." Le groupe dispose également d'alliés sur le terrain.

"Le Hezbollah n'est pas le seul groupe à combattre Israël dans le Sud du Liban. Il y aussi des hommes du Parti communiste, du Parti socialiste, du Parti nationaliste syrien... L'enjeu est aussi de défendre ses terres et sa maison."

Erminia Chiara Calabrese, chercheuse associée a l'Institut français du Proche-Orient à Beyrouth

à franceinfo

Le Hezbollah "s'est préparé à une guerre d'usure sur le même modèle que le Hamas, où ses dirigeants seront inatteignables par les avions israéliens car sous terre", prédisait le général à la retraite libanais Khalil Helou en juin auprès de l'AFP. Mais Israël a anticipé une nouvelle confrontation contre la milice chiite depuis 2006. "Il prépare sa revanche depuis cette date", assure Joseph Bahout de l'Université américaine de Beyrouth.

Jusqu'à s'engager dans une guerre totale contre le Hezbollah, comme celle qu'il mène contre le Hamas ? "Israël veut détruire le maximum d'infrastructures et tuer des milliers de combattants pour avoir la paix pendant des années", nuance l'historien militaire Michel Goya, interrogé par franceinfo. Autrement dit, l'Etat hébreu chercher à "le neutraliser plutôt que le détruire complètement". Mercredi 16 octobre, l'armée israélienne a intensifié ses raids aériens dans le sud du Liban et a assuré avoir frappé "des dizaines de cibles du Hezbollah" à Nabatiyeh, fief du mouvement pro-iranien.

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