Egypte : les islamistes récupèrent la grande manifestation pour les réformes
“Il y a tellement de barbes (islamiques). On se sent clairement oppressés”. Cette réaction d'un étudiant du Caire, venu manifester ce vendredi place Tahrir pour faire pression sur l'armée afin qu'elle accélère les réformes et les procès des dirigeants de l'ancien régime, en dit long sur l'ambiance.
Contrairement aux journées révolutionnaires, hommes et femmes étaient séparés aujourd'hui. Et les slogans qui volaient au dessus de l'immense place cairote, devenue une sorte de place de la Bastille pour les révolutionnaires égyptiens, se partageaient entre “il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah” et “l'Egypte est islamique”. Les autres slogans ont tellement faiblement retenti qu'une trentaine de partis politiques et les mouvements laïcs, qui avaient organisé le rassemblement avec les islamistes, Frères musulmans en tête, ont fini par quitter les lieux en signe de protestation. Dans un communiqué, ils ont dénoncé la récupération du mouvement par les religieux.
Les Frères musulmans se sont étonnés de ce claquement de porte, estimant que “chacun a le droit de s'exprimer”. Mais le malaise s'est diffusé au sein même de leurs rangs : “il y a certainement des membres de la confrérie qui sont agacés par la façon dont les groupes salafistes ont pris le contrôle de la place”, admet un dirigeant, faisant allusion au conflit entre des groupes plutôt constitués de jeunes Frères musulmans et la hiérarchie du mouvement.
Si les tensions et une certaine méfiance entre religieux et laïcs ont toujours existé, c'est la première fois que la division entre les tombeurs d'Hosni Moubarak se fait jour de façon aussi tranchée. Certaines banderoles brandies ce vendredi, comme celle qui proclamait la supériorité de la loi islamique sur la Constitution, ont ravivé des craintes profondes chez ceux qui souhaitent faire de l'Egypte un pays laïc. Ils redoutent que les islamistes cherchent à imposer un Etat religieux si ils remportent la victoire aux élections législatives de l'automne prochain.
Grégoire Lecalot, avec agences
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