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Affaire Khashoggi : Washington accuse le prince héritier saoudien d'avoir "validé" l'assassinat du journaliste

Jamal Khashoggi avait été tué en octobre 2018 dans l'enceinte du consulat saoudien à Istanbul. Son corps avait été découpé en morceaux et ses restes n'ont jamais été retrouvés.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, le 10 décembre 2019 à Riyad (Arabie saoudite).  (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE / AFP)

Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, aurait personnellement "validé" l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018. C'est en tout cas ce qu'affirment les services de renseignement américains, dans un rapport publié vendredi 26 février.

Jamal Khashoggi, notamment chroniqueur pour le Washington Post, a été tué en octobre 2018 dans les murs du consulat saoudien à Istanbul, où il était entré pour des démarches administratives en vue de son mariage avec une Turque. Son corps a été découpé en morceaux et ses restes n'ont jamais été retrouvés.

Khashoggi, "une menace pour le royaume"

"Nous sommes parvenus à la conclusion que le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi", écrit la direction du renseignement national dans ce court document déclassifié de quatre pages (lien en anglais). "Le prince héritier considérait Khashoggi comme une menace pour le royaume et plus largement soutenait le recours à des mesures violentes si nécessaire pour le faire taire", ajoute-t-elle.

Le rapport souligne que le prince héritier disposait depuis l'année 2017 d'un "contrôle absolu" des services de renseignement et de sécurité du royaume, "rendant très improbable l'hypothèse que des responsables saoudiens aient pu conduire une telle opération sans le feu vert du prince". Les services de renseignement américains supposent par ailleurs que, à l'époque de l'assassinat de Jamal Khashoggi, Mohammed ben Salmane faisait régner un climat tel que ses collaborateurs n'osaient vraisemblablement pas remettre en question les ordres reçus, "de crainte d'être renvoyés ou arrêtés".

Le renseignement américain publie une liste d'une vingtaine de personnes impliquées dans l'opération, dont l'ex-numéro deux du renseignement saoudien Ahmed al-Assiri, proche de MBS, et l'ex-conseiller du prince Saoud al-Qahtani, tous deux blanchis par la justice de leur pays.

Des sanctions, mais pas pour MBS

Le gouvernement américain a annoncé dans la foulée des sanctions financières contre le général Assiri et contre la Force d'intervention rapide, une unité d'élite chargée de la protection du prince, supervisée par Saoud al-Qahtani et présentée par Washington comme étant largement impliquée dans le meurtre.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a, lui, interdit d'entrée aux Etats-Unis 76 Saoudiens dont l'identité n'a pas été dévoilée, dans le cadre d'une nouvelle règle, baptisée "Khashoggi ban", ou "interdiction Khashoggi", visant toute personne accusée de s'attaquer, au nom des autorités de son pays, à des dissidents ou journalistes à l'étranger.

Le groupe de pression Open Society Justice Initiative a exhorté le gouvernement Biden à aller plus loin avec "des sanctions financières et des interdictions de voyage contre le prince héritier". "J'espère qu'il s'agit seulement d'un premier pas, et que le gouvernement entend prendre des mesures concrètes pour que le prince héritier (...) rende personnellement des comptes pour ce crime odieux", a aussi déclaré le président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, Bob Menendez.

Un haut responsable gouvernemental a toutefois justifié la décision d'épargner Mohammed ben Salmane par la règle selon laquelle Washington ne sanctionne pas les dirigeants de pays amis : "L'objectif est un recalibrage" des relations, "pas une rupture".

Le président Biden, qui avait jugé, avant son élection en novembre, que le royaume du Golfe devait être traité comme un Etat "paria" pour cette affaire, a d'ailleurs tenté de déminer le terrain en appelant jeudi le roi Salmane pour la première fois depuis son arrivée à la Maison Blanche. S'il a mis l'accent sur "les droits humains universels", il a aussi adressé un satisfecit au monarque pour la récente libération de plusieurs prisonniers politiques. Et il a promis d'aider Ryad à se "défendre" face aux attaques de groupes pro-Iran.

Ryad rejette "totalement" ces accusations

"Le gouvernement d'Arabie saoudite rejette totalement les conclusions fausses et préjudiciables contenues dans le rapport concernant la direction du royaume et ne peut les accepter en aucun cas (...)", a affirmé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

"Il est vraiment malheureux que ce rapport, avec ces conclusions injustifiées et fausses, soit publié alors que le royaume a dénoncé clairement ce crime odieux et que ses dirigeants ont pris les mesures nécessaires pour s'assurer qu'un tel drame ne se reproduise jamais", poursuit le mihnistère. "De même, le royaume rejette toute décision qui porte atteinte à sa direction, sa souveraineté et à l'indépendance de son système judiciaire."

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a dans le même temps réaffirmé que "le partenariat entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis est solide et fort, et est fondé depuis des décennies sur le respect mutuel". "Nous espérons que ce partenariat continuera sur cette même base."

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