Black-out médiatique en Iran
Circulez, y'a rien à voir ! "Aucun journaliste n'est autorisé à faire un reportage, à photographier et à filmer en ville" a laconiquement indiqué le ministère de la Culture iranien, tout en précisant que la presse pouvait continuer à faire son travail à partir de bureaux, mais que les accréditations étaient annulées pour l'ensemble des médias étrangers. Les seules images des manifestations disponibles étaient hier celles de la télévision d'Etat.
Plusieurs reporters ont déjà commencé à quitter le pays après la décision des autorités iraniennes de ne pas renouveler leur visa de travail. Au moins dix journalistes iraniens ont par ailleurs été interpellés depuis le scrutin de vendredi.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, a accusé les autorités iraniennes de "tenter d'étouffer toute couverture de la contestation". En France, l'association Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé une "censure massive" .
Depuis trois jours, la capitale iranienne est le théâtre des plus spectaculaires manifestations depuis la Révolution islamique qui avait déposé le chah en 1979. Des événements qui se déroulent à huis-clos, loin des regards des médias. Le principal réseau de téléphonie mobile, contrôlé par l’Etat, a été stoppé à Téhéran, rendant les communications de plus en plus difficiles, mais les autorités n’ont pas coupé les accès Internet, qui reste l'une des rares sources d’information. En empêchant les médias de jouer leur rôle de relai, les autorités iraniennes ont réussi à faire taire la voix des journalistes, mais celle des Iraniens reste audible, via la toile.
La caisse de résonance Twitter
Depuis ce week-end, le réseau social de micro-blogging Twitter agit comme un télégraphe géant, un accélérateur de particules. Les petits messages, de 140 caractères maximum, affluent d'Iran et du monde entier. Loin d'organiser la révolte, Twitter permet de témoigner, d'informer, même de manière parcellaire. Et surtout de tromper les censeurs, qui quadrilleraient la toile pour tenter de bloquer le service. La tâche sera difficile pour les autorités iraniennes, car Twitter bénéficie de plusieurs points d'entrée et de sortie : il peut être alimenté via le web, bien sûr, mais aussi à partir de terminaux mobiles et d'applications externes. De fait, le réseau peut difficilement être traqué, surtout si les "Tweeters" trichent sur l'origine géographique de leurs messages à l'aide de faux proxies, des adresses de serveur fantômes.
Pour suivre en direct les événements, il suffit de taper la requête "#IranElection", qui regroupe tous les "tweets" (messages) sur le sujet... et de faire le tri. Preuve du succès de Twitter, Washington a demandé hier à ses administrateurs de reporter une opération de maintenance du système qui aurait fermé ses applications pour permettre aux opposants iraniens de continuer à l'utiliser.
Des blogs très actifs
Autre moyen de s'informer, les blogs, très nombreux. En 2005, l'Iran en recensait déjà 700.000 et le pays compte aujourd'hui près de 20 millions d'internautes. Certains sont très actifs depuis le week-end dernier, à l'image du blog photo Tehran Live ou des carnets Internet d'étudiants étrangers à Téhéran, comme Sidewalk Lyrics (en anglais) ou le blog repris sur le site d’El Pais (en espagnol).
Anne Jocteur Monrozier
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.