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Bachar al-Assad, trois jours pour convaincre ?

Critiqué à la fois par des associations de droits de l'Homme et d'anciens militaires, le séjour fastueux du dirigeant syrien lui aura permis de se réconcilier avec Paris, mais aussi de sortir d'un isolement diplomatique provoqué par les crises à répétition au Liban. Une démarche de Realpolitik qu'un certain nombre de spécialistes voient avec pragmatisme.
Article rédigé par franceinfo
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  (Radio France ©REUTERS/ Philippe Wojazer)

Les basculements (et bousculements) de la diplomatie internationale, on le sait, tiennent parfois en quelques phrases ou une poignée de photos-symboles. Ainsi de Bachar al-Assad, marginalisé jusqu'à récemment, qui a su utiliser une invitation personnelle et très officielle à Paris pour réapparaître, trois jours durant, comme un interlocuteur indispensable aux Proche et Moyen-Orient.

Ce matin, le président de Syrie a assisté parmi d'autres dirigeants étrangers au défilé national du 14 Juillet, après avoir été l'un des participants au sommet de lancement de l'UPM, Union pour la Méditerranée, impulsé par Nicolas Sarkozy. Même si les délégations syrienne et israélienne ont gardé leurs distances, de telles images auraient été presque impossibles lors des dernières années de la présidence Chirac.

On a cependant entendu, avant et pendant cette visite, de vives critiques. Venues par exemple de militants des droits de l'Homme, dénonçant un des régimes les plus répressifs du monde arabe. Comme certains membres de l'opposition de gauche. D'où l'arrestation ce matin du secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), interpellé aux cris de "Liberté en Syrie".

"Tapage politique"

Mais une autre amertume s'est fait entendre, celle d'anciens militaires français qui ont fait part de leur malaise en évoquant "une atteinte à la mémoire" des 58 soldats
français tués en 1983 dans l'attentat de l'immeuble Drakkar à Beyrouth, dans lequel nombre d'observateurs avaient vu la main de la Syrie. Une piste réfutée par l'Elysée, pour qui les responsables sont l'Iran et le Hezbollah.

Nicolas Sarkozy avait beau répéter tout au long du week-end qu'Assad n'était "qu'un invité parmi d'autres", et acter ainsi sa fameuse "Realpolitik décomplexée", certains spécialistes du monde arabe se souviennent que les soutiens et décisions de la Syrie au Proche-Orient ont parfois emprunté des chemins obscurs. Sans oublier que l'ONU a implicitement désigné Damas dans l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri, ex-premier ministre libanais, le 14 février 2005 à Beyrouth.

Le principal intéressé, Bachar al-Assad, a qualifié de "tapage politique" les mots du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui avait un temps déclaré que sa visite ne "l'amusait pas spécialement".

Et pour, justement, montrer que ses positions avaient évolué, le président syrien s'est dit prêt à entretenir avec Israël des relations "normales" avec échange d'ambassades et traités bilatéraux. Mais les choses sont encore loin d'avancer, notamment sur la question du Hezbollah, que l'Etat hébreu a combattu en 2006. Bien loin de l'avis d'Assad, pour qui "en aucun cas je ne puis accepter que celui qui défend sa terre et la libère de l'occupant (...) soit traité de terroriste".

Matteu Maestracci

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