Al-Assad, Kadhafi, Ben Ali : les délires bling-bling des despotes
Des e-mails viennent de révéler les goûts de luxe de la famille au pouvoir en Syrie. Un mode de vie clinquant qui rappelle celui des autres dictateurs emportés par le printemps arabe. Florilège.
L'ennui avec les révoltes arabes, c'est qu'elles attirent l'attention. Les journalistes se mettent à fouiner dans les petites affaires des despotes. Et à force de chercher, ils finissent par trouver, étalant la vie privée de ces chefs d'Etat inflexibles.
Dernière victime : Bachar Al-Assad. The Guardian a dévoilé 3 000 e-mails où on apprend que monsieur télécharge (légalement) New Order, achète la biographie de Steve Jobs ou le dernier Harry Potter en DVD. Madame, elle, a des goûts plus luxueux : elle rêve des futurs escarpins Louboutin à 4 000 euros la paire, et commande des colliers, des chandeliers, des meubles et des œuvres d'arts. Pendant ce temps-là, les quartiers rebelles de Homs sont écrasés par l'armée fidèle au régime. Ce qui semble amuser le président syrien, qui partage une vidéo satirique sur le sujet, où les chars d'assaut meurtriers sont des petites voitures, et les immeubles, des biscuits empilés.
Mais, au regard de ces révélations, Bachar Al-Assad reste pour le moment bien en-deça des frasques de deux autres dictateurs aujourd'hui déchus : Mouammar Kadhafi et Zine Ben Ali.
Libye : Kadhafi, l'excentrique
A tout seigneur, tout honneur. Le défunt colonel Kadhafi ouvre la marche avec son extravagance et son excentricité qui tournent souvent au glauque. Son goût pour les vêtements chamarrés est légendaire. En 2009, Vanity Fair lui consacrait d'ailleurs un portfolio. De même, on savait qu'il avait dessiné une voiture avec un aigle sur le capot (voir la vidéo). Ou qu'il ne se déplaçait jamais sans sa tente bédouine, sa garde personnelle d'"amazones", 100% féminine - à laquelle Madame Figaro a consacré un portfolio - et sa pulpeuse infirmière ukrainienne. Autre fait d'armes, il aurait enseigné le "bunga bunga" à son ami Silvio Berlusconi.
• Les femmes. Mais ces frasques ont beaucoup moins fait rire quand plusieurs de ses "amazones" vont l'accuser, à sa chute en 2011, de viols. Il les aurait "partagées" avec ses fils ou ses officiers, comme l'expliquait The Telegraph (article en anglais). Par ailleurs, la nounou des petits-enfants du dictateur est retrouvée avec d'horribles blessures (en anglais, images choquantes). Elle dit avoir été torturée par la femme du fils du raïs, Hannibal.
• L'amoureux transi. Dans le repère du colonel, les rebelles vont faire une étrange découverte : Mouammar Kadhafi s'adonnait au plaisir du scrap-booking. Il avait couvert un album de photos soigneusement découpées de la chef de la diplomatie américaine de 2005 à 2009, Condoleezza Rice. "Je soutiens ma chère femme noire africaine", avait-il déjà dit. "J'admire et je suis très fier de la façon dont elle [...] donne des ordres aux dirigeants arabes... Leezza, Leezza, Leezza... Je l'aime vraiment beaucoup. Je l'admire et je suis fier d'elle, parce que c'est une femme noire d'origine africaine."
Lors d'une visite à Tripoli en 2008 de l'Américaine, il lui avait offert une bague en diamant, un luth, un médaillon renfermant un portrait de lui et un exemplaire dédicacé du Livre vert, son manifeste politique. Le tout était évalué à 147 000 euros. La responsable américaine a décliné ces cadeaux, comme le prévoit la loi aux Etats-Unis.
• Le bunker. A Tripoli, le colonel occupait la caserne fortifiée de Bab Al-Azizia, qui comprenait un bunker démesuré avec salles d'opération et piscine olympique, explique un chirurgien plastique. Paris Match décrit une "ville dans la ville" ahurissante, un "réseau paranoïaque de villas, de tunnels, de bunkers, de plages et d’hôpitaux privés", regorgeant de luxe. Le tout a été mis au jour par les rebelles lors de leur conquête de la ville.
Tunisie : Ben Ali, le tapageur
Comparés à Kadhafi, les autres despotes font pâle figure. Pourtant, les Ben Ali n'ont pas vraiment fait dans la demi-mesure.
• La caverne de Ben Ali. A la télévision nationale, le 19 février 2011 à 20 heures, les Tunisiens ont découvert le fabuleux coffre de Zine El-Abidine Ben Ali. Les démineurs tunisiens ont trouvé presque par hasard cet objet, qui renfermait un trésor de 175 millions de dollars. Selon Europe 1, les démineurs ont vu "leurs détecteurs de métaux s'affoler dans la bibliothèque" du palais de Zine Ben Ali à Sidi Bou Saïd. Dans des caches, derrière un rideau ou une fausse bibliothèque, ils trouvent des piles de billets en dollars ou en euros, des bijoux, des colliers de diamants, des montres de luxe, des bouteilles millésimées...
• Un sous-sol dédié à Bourguiba . En entrant au palais présidentiel, à Carthage, en décembre 2011, le nouveau président tunisien, Moncef Marzouki, a décrit un intérieur au goût "discutable" et au "luxe ostentatoire". Un lieu qu'il a trouvé à la fois "comique" et "tragique". Etrangement, l'ancien chef d'Etat tunisien avait aménagé, "dans les sous-sols", une pièce rassemblant "tout ce qu'il a trouvé en rapport avec Habib Bourguiba", le président précédent, qu'il avait renversé. "Les photos, les effigies, les tableaux style pompier. Il a voulu enterrer Bourguiba, c'est vraiment l'acte de refoulement le plus physique", a ajouté le nouveau président.
• Plus de 200 voitures de luxe. 234 voitures de luxe appartenant au clan Ben Ali ont été saisies par une Commission d'expropriation. L'une d'entre elles a été offerte par sa femme, Leïla Trabelsi, pour un coût d'environ 700 000 euros. Certains jeunes de la famille faisaient inscrire leur nom sur les plaques en lieu et place des numéros d'immatriculation obligatoires et, privilège réservé, pouvaient avoir des vitres teintées.
• Plus de 200 titres fonciers. La Commission des saisies tunisiennes a récemment mis la main sur 233 titres fonciers, 117 parts sociales et 48 yachts touristiques, appartenant à l'ancien président et ses proches, a relaté Slate Afrique. "Trente-quatre voitures et deux biens immobiliers, l’un à Carthage, près de Tunis, et l’autre à Hammamet, une ville balnéaire au nord du pays, ont été également confisqués", selon le site, qui précise que 350 sociétés, pesant 2,5 milliards de dollars, avaient déjà été confisquées.
• Superstition et chiffre 7. Pas de tenues bigarrées pour Ben Ali, mais son régime politique avait sa bizarrerie. Il vouait un étrange culte au chiffre 7, rappelle Libération. Le chef d'Etat, arrivé au pouvoir le 7 novembre 1987, serait superstitieux. Ainsi, places, lieux publics, compagnie aérienne (sevenair, baptisée le 7/7/2007), billets de banque, timbres, chaîne de télévision nationale, etc. portaient le chiffre porte-bonheur en Tunisie.
Egypte : Moubarak, le discret
C'est le discret de la bande. Libération explique qu'Hosni Moubarak ne montrait pas de goût pour le luxe. Le journal cite des diplomates occidentaux qui affirment que sa demeure de Charm el-Cheikh, où il résidait très fréquemment, "n'est qu'une grosse villa très confortable. Tout sauf un palais".
Pourtant, le Guardian (article en anglais) révélait en février 2011 que la famille serait à la tête d'une fortune de 40 à 70 milliards de dollars (plus de 50 millions d'euros). L'intéressé a dénoncé une campagne de "diffamation", assurant qu'il n'avait pas de fortune à l'étranger. En mai 2011, la Suisse a bloqué quelque 410 millions de francs (320 millions d'euros) appartenant à l’ex-président et son entourage.
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