Cet article date de plus d'un an.

Nobel de physique : "Avec ces nouveaux outils, on est capables de revisiter une partie de la physique qui, jusqu'à présent, semblait immesurable", selon un directeur de recherche au CEA

Pascal Salières a réagi mardi sur franceinfo au prix Nobel de physique attribué aux Français Anne L’Huillier et Pierre Agostini aux côtés du Hongrois Ferenc Krausz, pour des travaux sur les mouvements des électrons.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un écran montre les trois lauréats du prix Nobel de physique, le 3 octobre 2023, lors de la cérémonie à Stockholm (Suède). (JONATHAN NACKSTRAND / AFP)

"Ce sont des cinéastes de l'ultra-rapide, de l'ultra-bref puisque effectivement les électrons sont des particules extrêmement légères et rapides", s'est enthousiasmé sur franceinfo mardi 3 octobre Pascal Salières, directeur de recherche au CEA Paris Saclay, après le prix Nobel de physique attribué à Anne L'Huillier et Pierre Agostini, avec l'Austro-Hongrois Ferenc Krausz. Ce sont trois spécialistes de la technologie attoseconde, une science qui permet à une échelle de temps record d'observer et potentiellement de manipuler les électrons, avec des applications dans la chimie, l'électronique et un jour la médecine.

>> Prix Nobel : êtes-vous incollable sur les lauréats et leurs exploits ?

Pour arriver à flasher les électrons "en plein mouvement on a besoin de flash, de lumière qui soient ultra-brefs", ajoute Pascal Salières qui a rédigé sa thèse sous la direction d'Anne L'Huillier.

franceinfo : Il y a une fierté de voir la recherche française récompensée ?
Pascal Salières : Evidemment. J'ai également une grande admiration pour Anne [L'Huillier] et son humilité méritée d'être récompensée.

C'est une récompense qui intervient pour des scientifiques qui travaillent à l'étranger est-ce inquiétant ? 
Non je ne pense pas. Je pense que c'était très conjoncturel. J'ai fait ma thèse avec Anne L'Huillier ici à Saclay. Elle est partie pour des raisons personnelles car elle a rencontré son mari là-bas.

Est-ce qu'on récompense en quelque sorte des fabricants d'appareils photos de l'infiniment petit et de l'infiniment rapide ?
Oui ce sont des cinéastes de l'ultra-rapide, de l'ultra-bref puisque effectivement les électrons sont des particules extrêmement légères et rapides et pour arriver à les flasher en plein mouvement on a besoin de flash, de lumière qui soient ultra-brefs. Tout cela se passe à l'échelle de l'attoseconde, donc le milliardième, le milliardième de seconde. C'était une source qu'on n'avait pas jusque dans les années 1980. C'est Anne L'Huillier la première qui a découvert le processus qui a permis de produire ces flashes de lumière attoseconde et Pierre Agostini qui a amené la façon de les caractériser. C'est une chose de les produire et c'est une autre chose que de mesurer leur durée. Maintenant qu'on a les flashes bien produits, bien caractérisés, on peut les utiliser dans un grand nombre d'applications qui vont de la chimie à la physique et aux semi-conducteurs. C'est pour cela que ce champ vient d'être récompensé par le prix Nobel.

Qu'est-ce qu'on peut imaginer comme applications pour cette recherche qui aboutit ?
C'est encore de la recherche très fondamentale. On commence à développer les applications et il y a un potentiel qui est énorme. Lorsqu'on contrôle des électrons, on peut orienter des processus qui nous entourent. On peut parler des réactions chimiques qu'on peut essayer d'orienter pour qu'elles produisent tel ou tel réactif au lieu de celui que la nature ferait. Ça peut permettre de produire de nouvelles molécules, de nouveaux médicaments. Sur les composants électroniques avec ses flashes de lumière, on est capable d'induire, de supprimer des courants électriques à l'échelle attoseconde avec des rapidités qui sont inimaginables actuellement. 

"Ça permettrait d'accélérer la vitesse des composants électroniques : du gigahertz, on pourrait passer au terahertz. Avec ces nouveaux outils, on est capables de revisiter une partie de la physique qui jusqu'à présent semblait immesurable."

Pascal Salières, directeur de recherche au CEA Paris Saclay

sur franceinfo

Ça fait plusieurs fois que des chercheurs travaillant au sens large sur des lasers ou de l'optique, il y a vraiment une spécialité française ?
Oui, il y a vraiment une école française qui s'est développée. On peut parler de [Claude] Cohen-Tannoudji qui a eu le prix Nobel de physique en 1997. Son livre sur la mécanique quantique est vraiment la bible dans le monde entier. Il y a une grande école autour de ces lasers qui maintenant récolte les fruits de ces travaux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.