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PRIX BAYEUX. Gaza: «Dorothée, tu as 5 minutes, no more»

Dorothée… c’est Dorothée Olliéric, envoyée spéciale de France 2 à Gaza, en août 2014, pendant les bombardements israéliens sur le territoire palestinien. Elle nous raconte comment se fait le travail d’une équipe de télévision dans une zone de guerre.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Bombardements israéliens sur la ville de Gaza, le 29 juillet 2014. (ASHRAF AMRA / AFP)

Début août 2014, la guerre de Gaza continue. Dorothée Olliéric, grand reporteur à France 2, est envoyée à Gaza pour couvrir le conflit, avec un caméraman Stéphane Guillemot. Un territoire qu’elle connaît déjà et où il n’est pas facile de se rendre, surtout en temps de guerre. Curieusement, c’est par Israël, avec qui Gaza est en conflit, qu’il faut passer pour entrer dans le territoire palestinien.
 
«Pour se rendre à Gaza, il faut passer par Israël. On débarque à l’aéroport Ben Gourion près de Tel Aviv puis on se rend à Jérusalem où on va chercher une accréditation auprès de l’armée israélienne. Munie de la carte «GPO» (nom du bureau de presse du gouvernement israélien), les journalistes se rendent au point de passage entre Israël et la bande de Gaza», raconte Dorothée Olliéric.  

Alors que le territoire est bouclé, c’est au principal point de passage, Erez, que doivent se présenter les journalistes voulant aller à Gaza. Le point de passage dont les Palestiniens réclament l’ouverture.
 
Visiblement, pour cette guerre, l’armée israélienne a changé sa communication et n’a pas empêché les équipes de journalistes de se rendre de l’autre côté de la «frontière». «En 2009, lors de la guerre précédente, Israël bloquait le passage et n’acceptait que quelques équipes embedded avec l’armée, après tirage au sort», rappelle la journaliste.

Août 2014 à Gaza. De gauche à droite, Samah Soula, Stéphane Guillemot et Dorothée Olliéric. (Dorothée Olliéric)
 
«Sweety tour»
Arrivés côté israélien d’Erez, les journalistes sont soumis à un intense contrôle avec fouille complète. Puis ils traversent le long couloir de près de 900 mètres de long en portant leur matériel, ce qui pour une équipe de télé représente plusieurs dizaines de kilos.
 
«A la sortie du couloir, côté palestinien donc, on monte dans un bus blanc, qu’on appelle entre nous le "sweeety tour" qui nous amène vers la ville de Gaza. Derrière le côté un peu surréaliste, on est quand même en pleine guerre. Et certains ont déjà enfilé leur gilet pare-balles ou mis leur casque sur la tête», raconte-t-elle aujourd’hui en souriant.
 
Les journalistes sont déposés dans des grands hôtels situés en bord de mer. Certaines chambres donnent sur la plage. «Malgré les bombardements, l’électricité, l’eau et le téléphone, via le réseau israélien, fonctionnent. L'hôtel est équipé d'un générateur.» Grâce à cela, l’équipe de France 2 peut téléphoner, monter les reportages et envoyer les sujets à Paris via internet et la wifi de l’hôtel.
 
Warning bomb
Mais derrière cette description apaisée, la guerre n’est pas loin. «Bateaux israéliens et combattants palestiniens échangeaient parfois des tirs à la mitrailleuse au ras des fenêtres de l’hôtel», rappelle Dorothée Olliéric. «Quand les explosions deviennent trop proches, on se réfugie loin de la fenêtre, voire dans le couloir, pour éviter un éclat ou un bout de verre d’une vitre qui éclaterait. Il est important de bien reconnaître les différents types de sons, ne pas confondre un tir de roquette, une bombe, un missile...»
 
Le risque est permanent, rappelle-t-elle. Normalement, les Israéliens visent bien et ils connaissent l’emplacement des hôtels où séjournent les journalistes. «En revanche, quand on parcourt le territoire, faut pas être au mauvais endroit au mauvais moment», note-t-elle… L'amas des ruines qui jonchent Gaza témoigent de la violence des bombardements sans parler du nombre des victimes.
 
Un Gazaoui dans les ruines de sa maison. Août 2014. (Dorothée Olliéric)

Pour ceux qui s’étonnent que l’arrivée des bombes sur les immeubles soient si facilement enregistrée, Dorothée Olliéric explique : «Le matériel numérique explique comment les caméras peuvent enregistrer l’arrivée d’une bombe sur un immeuble. La touche "Pre Rec" permet d’enregistrer les images quelques secondes avant de déclencher la caméra. Résultat: dès qu’on entend un impact, on enregistre et la caméra prend les secondes d’avant.»
 
A Gaza, les journalistes ne sont pas livrés à eux-mêmes. Pour les contacts, les journalistes de France 2 disposent d’un bureau à Gaza, avec Talal Abou Rahmeh, caméraman de Charles Enderlin. Même si le Hamas est partout et semble tout contrôler de loin, l’équipe de France 2 se déplace librement. «Si du côté israélien il nous font signer une déclaration dans laquelle on s’engage à ne pas révéler d’informations stratégiques, côté Hamas la consigne principale est de ne pas filmer de combattants.»
 
Pour Dorothée Olliéric, un des moments forts à Gaza a été la visite à une famille dont l’enfant venait d’être tué par une bombe. «Les Israéliens prévenaient souvent avant de raser un immeuble. Parfois avec une "petite" bombe qu’on appelle ici un "warning" ou avec des SMS. Nous avons été voir cette famille mais en raison du "warning", on ne savait pas combien de temps on avait. Talal Abou Rahmeh nous a dit : "Five minutes Dorothée, no more"… On y va accompagné de notre traductrice, une femme enceinte avec son gilet pare-balles. Il y avait là l’enfant mort, la famille, les proches, le deuil… On ne voulait pas rester longtemps mais difficile de partir en courant malgré la menace de la bombe qui devait arriver. Au total, on a dû rester une douzaine de minutes, avec au-dessus de nos têtes la menace». Un reportage qui n’a jamais été diffusé, faute de temps au journal…
 
Pour repartir de Gaza, l’équipe appelle les Israéliens qui donnent les moments de l’ouverture de la frontière. Et on repasse par le même couloir. Avec cette fois, un Palestinien qui transporte les bagages sur une sorte de camionnette de marché à moteur. Au loin, Gaza compte ses victimes.

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