PRIX BAYEUX. Edouard Elias «embedded dans la rébellion syrienne»
«Entrer en Syrie, c'est très simple», raconte aujourd'hui le photographe de presse avec le sourire. L'accès aux zones tenues par l'opposition se fait par la Turquie. «Il suffisait de faire tamponner son passeport par les Turcs pour sortir et par la rébellion syrienne, et même chose au retour. En revanche, dans les zones où les opposants ne marquaient pas les passeports, il fallait passer illégalement la frontière... et revenir de la même façon», explique-t-il. Les Turcs savent en effet se montrer pointilleux et Edouard Elias reconnaît avoir eu souvent «la boule au ventre» lors de ces passages.
Une fois sur place, le journaliste coupe son téléphone. «J'enlevais la carte SIM de mon mobile pour éviter que je puisse être repéré.» Une mesure de sécurité indispensable pour lui et les gens avec qui il se trouvait. Sur le terrain, un journaliste est fait pour informer; il doit donc pouvoir envoyer ses textes ou ses images. «Près de la Turquie, on se servait de clefs 3G turques mais cela était souvent compliqué pour envoyer des gros fichiers d'images. Parfois, en Syrie on pouvait trouver Internet avec des liaisons excellentes par satellite. Des jeunes favorables à l'opposition, très impliqués dans les technologies, facilitaient les liaisons internet avec l'idée de pouvoir témoigner.» C'est grâce à eux qu'Edouard Elias pouvait envoyer ses images.
Lors de ses reportages, le photographe se met en «immersion complète» au milieu des combattants d'une «katiba» (une unité combattante). «Je vivais, je dormais, je mangeais avec eux. J'étais embedded dans la rébellion syrienne.»
Coincé entre tirs de mitrailleuses et bombardements
C'est d'ailleurs la qualité des contacts qu'il a eus avec ces combattants syriens qui font partie de ses meilleurs souvenirs de Syrie. «Quand je suis revenu la deuxième fois parmi eux, ils m'ont accueilli très chaleureusement, prévenant les autres de mon retour. J'ai un vrai respect pour eux.» Mais les combats ne sont jamais loin. Entre peurs et émotions, Edouard Elias a encore en tête des moments assez chauds. «Je me souviens d'un jour où notre 4X4 avait crevé et qu'il fallait réparer sous le regard des hélicoptères ennemis...»
La guerre était partout et la présence du groupe et de ses solidarités ne suffisait pas toujours à éviter la peur. «J'ai un très mauvais souvenir d'une attaque qui a failli mal se terminer. Lors d'une opération contre une ville, on s'est fait coincer entre des tirs de mitrailleuses et des bombardements menés par des L19 de l'aviation syrienne... Mauvais souvenir». Mais pour lui, ces risques font «partie du métier. Alors qu'autour de nous les gens souffrent».
Pas étonnant dans ces conditions qu'Edouard Elias avoue avec le sourire que le meilleur moment c'est quand même «lorsqu'on repasse la frontière pour quitter la Syrie».
Malgré sa détention comme otage, le photographe n'a pas abandonné les terrains dangereux. Il a accompagné la légion en Centrafrique et s'est rendu en Jordanie et au Liban. Mais «par respect pour les autorités qui ont aidé» à sa libération, il ne se rend pas en Syrie et en Irak.
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