65e anniversaire de la Nakba palestinienne : l'exemple d'un village en Israël
Une petite église catholique, voilà tout ce qu'il reste du village d'Iqrit, dans le nord de ce qui est aujourd'hui Israël, où les petits-enfants des Palestiniens chassés il y a 65 ans lors de la «Nakba» veulent se réinstaller pour de bon.
Quelque 160.000 de ces réfugiés étaient restés dans ce qui est devenu Israël, plusieurs milliers étant déplacés à l'intérieur du territoire du nouvel Etat. Ils sont aujourd'hui avec leur descendants environ 1,35 million, soit 20% de la population israélienne (en comptant ceux qui n'ont pas été déplacés NDLR).
En août dernier, des dizaines de jeunes originaires d'Iqrit, détenteurs de la nationalité israélienne, ont décidé de revenir s'installer dans ce village chrétien de Haute Galilée, près de la frontière libanaise. «Nous organisons chaque année un camp d'été dans le village baptisé 'camp du retour', pendant lequel nous campons ici une semaine, et organisons des activités liées à l'identité et la cause palestiniennes», raconte un des initiateurs du projet, Wala Sbeit, un musicien né à Haïfa, le grand port du nord d'Israël.
«Après le dernier camp, nous avons décidé de nous installer», ajoute-t-il, «nous sommes ici depuis dix mois et nous tenons toujours malgré le froid et la chaleur», dans un campement de fortune: matelas au sol et toilettes portatives. Il existe un système de roulement, précise-t-il, «parce que nous sommes employés, étudiants ou enseignants dans d'autres villes, et quand nous avons fini nous rentrons à Iqrit mais il y a toujours quelqu'un à l'église».
«Nous avons été harcelés par la police et l'Administration foncière», déplore le jeune homme.
Le prêtre de la paroisse où se trouve le village, le père Souhaïl Khoury, dit la messe le samedi parce que tout le monde travaille le dimanche. «Nous célébrons les mariages et avons fêté Pâques ici cette année. Nous enterrons aussi nos morts ici», témoigne-t-il.
1948 : Un départ définitif ?
En 1948, l'armée israélienne avait évacué Iqrit pendant deux semaines pour des exercices militaires, mais les habitants n'avaient pas été autorisés à revenir.
En 1951, la Cour suprême israélienne a ordonné de les laisser rentrer chez eux, mais l'administration militaire de l'époque avait émis des ordres d'expulsion et déclaré le secteur «zone militaire fermée», avant de démolir les maisons lors du Noël de cette année-là, selon les habitants et les associations de défense des droits de l'Homme.
«Les habitants ont de nouveau saisi la justice israélienne dans les années 1980 pour faire appliquer la décision de la Cour suprême, mais l'Etat a invoqué des considérations de sécurité qui ne permettaient pas leur retour», explique Souhad Bichara, une avocate d'Adalah, organisation de défense des droits de la minorité arabe en Israël.
«A la suite d'un nouvel appel à la fin des années 1990, l'Etat israélien a affirmé que ces considérations ne se justifiaient plus à la suite des accords de paix (avec les Palestiniens, NDLR) mais il argue de raisons politiques fondées sur l'état des négociations avec les Palestiniens», dans l'impasse depuis des années, poursuit-elle.
En 2003, la Cour suprême a rejeté le dernier recours des villageois. «Israël ne voulait pas établir de précédent jugé dangereux en faveur d'un droit au retour des Palestiniens», estime l'avocate.
Pas de droit au retour
Israël rejette le droit au retour (qui est une des revendications des Palestiniens dans le cadre d’éventuelles négociations de paix avec Israël, NDLR) au nom de son «caractère juif»", estimant qu'il ne pourrait s'appliquer que dans un futur Etat palestinien. Les négociateurs palestiniens répondent que la reconnaissance de ce droit ne «créerait pas une crise existentielle pour Israël», se disant prêts à accepter le retour d'un nombre symbolique de réfugiés en Israël.
Indépendamment de ces arguties juridico-politiques, les jeunes d'Iqrit revendiquent déjà la victoire. «Nous nous sommes retrouvés nous-mêmes avant de réaliser notre droit au retour», se réjouit Wala Sbeit, «nous avons retrouvé notre âme ici».
(Reportage AFP de Shata Yaïsh)
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