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Otage libéré en Syrie : les Etats-Unis ont-ils payé une rançon ?

La libération de Peter Theo Curtis, un ressortissant américain détenu depuis deux ans en Syrie interpelle. La décapitation, il y a moins d'une semaine, de James Foley semble avoir considérablement accéléré cette libération et pose plusieurs questions : les Etats-Unis ont-ils payé une rançon ? Quel a été le rôle du Qatar?
Article rédigé par Justine Cohendet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Les Etats-Unis ont-ils payé une rançon ? © REUTERS/ Kevin Lamarque)

Peter Theo Curtis, auteur et chercheur américain enlevé en Syrie il y a deux ans, a bien été libéré dimanche soir. Une libération confirmée par un communiqué des Nations-Unies et par le secrétaire d'Etat, John Kerry, dimanche.

Selon l'ONU, Peter Theo Curtis a été remis aux médiateurs de l’ONU, après une intervention du Qatar, dans le village d’Al Rafid, situé dans la région du Golan, entre la Syrie et Israël à 18h40 (heure locale). Un docteur américain l’a ensuite rencontré pour s’assurer qu’il était en bonne santé. Le jeune Américain, dont l'enlèvement avait été gardé secret, avait été kidnappé par le Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda.

Selon le New York Times la famille de Peter Theo Curtis aurait été introduite auprès de l’ambassadeur du Qatar après l’échec de plusieurs négociations et après avoir refusé des demandes de rançons allant de 3 à 25 millions de dollars. Mais également après avoir appris que le Qatar avait réussi à obtenir la libération de plusieurs Européens détenus par la branche d’Al-Qaïda au Yémen.  

Les Etats-Unis ont jusqu'ici refusé de payer des rançons 

Mais cette libération, qui survient un peu moins d'une semaine après la décapitation du journaliste américain James Foley pose un certain nombre de questions. Des concessions ont-elles été faites aux ravisseurs ? L’assassinat sauvage du journaliste Mr Foley a-t-il incité le Qatar a intensifié les négociations pour libérer M. Curtis ? Alors que les précédentes négociations avaient échoué, comment se fait-il qu’un accord ait été trouvé si rapidement ? Le Qatar a-t-il joué un rôle déterminant ? 

Les Etats-Unis sont l'un des rares pays à ne pas payer de rançons, refusant de faire des concessions aux groupes terroristes. Une politique qui diffère largement de celle des Européens, qui sont, comme le montre le New York Times dans une enquête,  devenus, de manière non-intentionnelle, les premiers collecteurs de fonds d’Al-Qaïda. En effet, ils auraient payé plus de 125 millions de dollars pour récupérer des otages ces cinq dernières années. La décapitation de James Foley a-t-elle modifié cette règle ? 

Selon Peter Theo Curtis et ses proches aucune rançon n’a été payée car à partir du moment où le Qatar a été impliqué dans les négociations, la communication aurait été, à nouveau, ouverte. "Toutes les personnes de notre famille qui ont négocié avec le Qatar peuvent dire qu’aucune rançon n’a été payée, et c’est quelque chose que le gouvernement américain avait demandé",  a explique Amy Rosen, une cousine de l'otage libéré au New York Times . "Mais dans le même temps, nous ne prétendons pas connaître tout ce qu’il s’est passé", a-t-elle néanmoins précisé.

"Nous sommes en train d’observer un changement de politique depuis la décapitation de James Foley"

Le rôle du Qatar aurait, quant à lui, été décisif. Certains spécialistes du Moyen-Orient et de l’Etat islamique avancent que le pays, qui a supporté par le passé certains groupes djihadistes mais qui est un important allié des Etats-Unis, a pu agir de manière plus agressive pour obtenir cette libération. "Je pense que nous sommes en train d’observer un changement de politique depuis la décapitation de James Foley" , explique Rick Brennan, politologue à Rand Corporation. "Le Qatar a un intérêt à se faire voir comme un allié dans la guerre contre le terreur. Et décapiter des Américains ou des Occidentaux n’est pas l’intérêt du Qatar."

Pourtant, le mois dernier Curtis avait été menacé de mort dans une vidéo destinée à sa famille sans qu’aucune négociation n’aboutisse. "Ma vie est en danger très, très, très grave. Il me reste trois jours – trois jours à vivre", peut-on entendre. Si rien ne prouve que de l’argent ait été versé, une chose semble certaine : la décapitation de James Foley a indéniablement accéléré cette libération. 

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