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Nidam Abdi : «Google m’a tuer»

Le Sénat a voté le 16 avril 2015 à l'unanimité un encadrement des moteurs de recherche visant, sans le nommer, Google. La Commission européenne accuse Google d'abus de position dominante dans la recherche sur Internet, qui risque 6 milliards de dollars d'amende. Nidam Abdi, co-fondateur d’Emusicpro, moteur de recherche dédié à la musique, est en procès contre le géant américain depuis 2011.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Le déréférencement, c'est comme une bibliothèque qui disparait subitement" (DR)
-Bruxelles accuse Google d’abus de position. Qui sont les personnes ou les entreprises lésées ?

Nous trouvons parmi la vingtaine de plaignants différents secteurs industriels ou de services à l’exemple du tourisme et spécifiquement l’hôtellerie, les comparateurs de prix, les groupes de médias en ligne et un géant du logiciel comme Microsoft… Le caractère ubiquitaire de Google, qui veut être la porte d’entrée du web, l’a amené depuis 15 ans à créer des services dans différents domaines qui ont de facto donné cette position dominante. Ainsi, certains plaignants protestent parce que Google met en avant ses services sur son moteur, d’autres car il domine sans partage la publicité dite contextuelle liée à la requête de l’internaute, enfin, ceux qui se plaignent d’un déréférencement de leur site web ou portail comme dans le cas de Emusicpro.

Google est un cas unique dans l’histoire des positions dominantes, car on trouve contre lui, autant des acteurs de l’industrie des biens de consommation que des œuvres culturelles. Il y a ceux qui protestent car Google les empêche de développer leur commerce de couches culottes, de nuits dans les hôtels, de réservations dans les restaurants…, et ceux qui ont du mal à vendre sur Internet leur musiques, films et livres. Il faut se souvenir qu’il y a un siècle, Thomas Edison a été condamné pour trust aux Etats-Unis, uniquement sur sa position dominante concernant le cinéma.

-Vous êtes vous-même en procès contre le géant américain qui a «déréférencé» votre moteur de recherche. Plus simplement, que signifie un «déréférencement» ?

Le déréférencement sur Google, c’est lorsque les liens de votre site web n’apparaissent plus dans les premières pages des résultats de Google, voire ont totalement disparu. Pour Emusicpro, cela s’est passé le 23 décembre 2007. Pendant 5 mois, vous organisez vos bases de liens vers des sites de contenus, de mots clés d’artistes, d’instruments, bref vous mettez presque trente années de connaissances dans le domaine musical et on vous appelle un soir pour vous annoncer que tout votre travail à disparu de la toile. C’est comme si la direction du Forum des Halles décidait la veille de Noël de déménager à votre insu votre magasin de disques du 1e étage au parking. Le plus dramatique c’est que vous ne trouvez aucun interlocuteur chez Google, expert du domaine musical ou autre avec qui vous pouvez échanger.

-Comment Google est-il arrivé à cette superpuissance ?

Larry Page et Serguey Brin ont d’abord profité en 1998, d’un écosystème en Californie qui permettait à deux étudiants d’un campus comme Stanford de créer leur propre petite PME et de la développer sans entrave. Ce lien à l’université est encore présent aujourd’hui dans les gènes de l’entreprise puisqu’on trouve au conseil d’administration de Google, le Président de Stanford University. D’autre part, la firme eut des recrutements judicieux et pas nécessairement des professionnels de l’informatique pour développer les innovations internes et racheter les start-ups à fort potentielles.

C’est un biologiste d’origine iranienne, Salar Kamangar qui a découvert le principe des annonces aux enchères (publicité contextuelle). En France, Google réussit à convaincre les chambres régionales de commerce, l'une après l'autre, de signer avec le moteur de recherche californien pour évangéliser les entreprises françaises au système de la publicité contextuelle. Elles sont devenues de fait des annonceurs de Google.

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