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La peine de mort en pleine progression en Arabie Saoudite

38 personnes - Saoudiens ou étrangers - ont été exécutées depuis le début de l'année 2015 en Arabie Saoudite, qui applique la peine de mort à un rythme «sans précédent», indique l'organisation Amnesty International. Selon un décompte de l'AFP, il s'agit d'un chiffre trois fois supérieur à celui enregistré pendant la même période de 2014.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Arabie Saoudite, octobre 2014. Manifestation de chiites saoudiens contre la condamnation à la peine de mort du leader religieux Nimr al-Nim. (STR / AFP)

Après 27 exécutions en 2010, le nombre a ensuite bondi à environ 80 annuellement. L'AFP en a recensé 87 en 2014, un chiffre parmi les plus élevés au monde.

Pour Amnesty International, rien ne prouve que la «hausse alarmante» des décapitations est liée à la guerre antiterroriste. «Il serait exagéré d'affirmer qu'il s'agit d'une tentative pour dissuader la violence» politique, car près de la moitié des exécutions de 2015 sont liées à des affaires de drogue, explique Sevag Kechichian, chercheur d'Amnesty.
 
Les autorités sont déterminées à «appliquer la loi de Dieu contre tous ceux qui attaquent les innocents, font verser le sang et provoquent la honte», a indiqué le ministère après l'exécution le 4 février de deux Saoudiens pour le rapt et viol d'une fillette.
 
Christof Heyns, rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions arbitraires et extrajudiciaires, a affirmé en septembre 2014 que les procès étaient «vraiment injustes» et que, souvent, les accusés ne disposaient pas d'avocats. Il a aussi fait état d'aveux obtenus «sous la torture».
              
Amnesty a accusé les gouvernements occidentaux de rester «silencieux» sur les abus, les accusant de pratiquer une politique de «deux poids, deux mesures» avec Ryad.
 
Un nouveau roi
L’arrivée du nouveau roi, Salmane, après la mort d’Abdallah, ne semble pas être à l’origine de cette hausse du début 2015. Hausse qui avait commencé en 2014.

La présence de Daech aux portes du royaume, du côté de la frontière irakienne, peut-elle être une explication ? En janvier, trois gardes-frontières saoudiens ont été tués par des «terroristes» venus d'Irak, où l'EI (Daech) occupe de larges pans de territoires surtout dans la province d'Al-Anbar frontalière de l'Arabie Saoudite.

Les autorités «ne veulent pas donner l'impression qu'elles sont molles», explique Toby Matthiesen, expert de l'Arabie Saoudite et chercheur à l'Université de Cambridge. Mais il ne voit pas de lien avec la lutte contre l'EI. «Je ne pense pas» qu'en exécutant davantage de criminels, «cela effraiera» le groupe djihadiste.
              
L'EI, qui contrôle aussi de vastes régions en Syrie, a revendiqué ces derniers mois de nombreuses exécutions d'otages occidentaux et de membres de minorités religieuses. Pour l'organisation de défense des droits de l'Homme basée à Londres Amnesty International, rien ne prouve que la «hausse alarmante» des décapitations est liée à la guerre antiterroriste.
 

Raif Badawi (Amnesty International)

Pas que la peine de mort
«En Arabie Saoudite, des défenseurs des droits humains, dont des avocats, des professeurs engagés, ainsi que des journalistes, se trouvent en prison pour avoir mené des activités jugées subversives ou terroristes par les autorités. Ces personnes sont parfois emprisonnées sans inculpation ni jugement. La torture fait partie de leur quotidien», note Amnesty.
 
Outre le cas très médiatisé de Raif Badawi, condamné au fouet, il ne faut pas oublier que son avocat Waleed Abu al-Khair a été condamné à quinze ans d’emprisonnement. Il a défendu de nombreuses victimes de violations des droits humains et a été «le premier militant à être jugé selon la nouvelle législation antiterroriste et par le nouveau Tribunal pénal spécialisé», précise Amnesty. L’organisation internationale publie une liste de noms de personnes condamnées pour leurs opinions.

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