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Déradicalisation des djihadistes : une obsession mais peu d’actions

Dans les pays occidentaux, le départ pour le djihad de jeunes nationaux a posé la question de la gestion de ces individus à leur retour. En fait, leur réinsertion passe le plus souvent par la prison. A l’exception d’expériences très médiatisées mais très limitées.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (Reuters Photo)

Trois ans de prison. C’est la peine infligée le 1er décembre 2014 par la justice néerlandaise à un ressortissant ayant combattu en Syrie. Le jeune homme, Maher H, a été reconnu coupable de préparations d’homicides.
 
Les Pays-Bas sont à l’image de la quasi-totalité des pays occidentaux. Le pays a durci sa législation afin de décourager les apprentis djihadistes à quitter le sol national. Comme en France, cela passe notamment par l’interdiction de quitter le territoire. En cas d’entreprise djihadiste avérée, cela se termine devant les tribunaux.
 
A l’opposé, les médias ont beaucoup évoqué l’action menée au Danemark, qui se fonde sur une approche douce et non répressive. Mais ce n’est juste qu’une expérience conduite pour la seule ville de Aarhus. Elle ne s’occupe que d’un petit groupe de 10 jeunes gens.

Douceur et bienveillance
Leur retour au Danemark s’est fait entouré de psychologues, au plus proche de leur famille, surveillés par des policiers bienveillants. Une police qui se  réserve tout de même le droit d’être plus répressive face à des individus  réfractaires.

Mais au Danemark, les candidats au djihad sont relativement peu nombreux. Une centaine depuis 2011, à comparer aux 1132 Français impliqués dans la filière. Le coût du programme s’élève à 400.000 euros. Il inclut un dialogue avec la communauté musulmane.
Des résultats encourageants. Un seul jeune est parti faire le djihad cette année. Ils étaient trente en 2013.
 
En Allemagne également, le programme de déradicalisation Hayat (la vie) met lui aussi en avant le rôle de la cellule familiale. Il s’agit de maintenir le lien entre le jeune et ses proches. Et si malgré tout il ne peut empêcher le départ, ce lien est comme une bouée à laquelle le jeune peut se raccrocher lors de son retour. Depuis sa création en 2011, Hayat a aidé une centaine de jeunes, et a convaincu une trentaine à renoncer au départ vers la Syrie.
Mais là encore il ne s’agit que d’une démarche expérimentale. Hayat est composé de seulement cinq membres.

Londres et Paris à l'unisson 
Toutes ces expériences de déradicalisation en douceur trouvent un  écho dans les pays les plus concernés par ces départs au djihad, à savoir le Royaume-Uni et la France. Dans ces pays, beaucoup d’observateurs en particulier dans le milieu des travailleurs sociaux, voudraient que les autoritées adoptent une attitude moins répressive à l’égard des candidats aux départ ou des djihadistes qui rentrent au pays.

Car Londres a choisi la répression systématique. Confiscation des passeports des candidats au départ et arrestations au retour. Ces dernières marquent «une hausse significative» commente laconiquement Scotland Yard. Paris a renforcé sa législatioin dans le but également de limiter les départs.

La France prépare une unité mobile 
La France teste également en toute discrétion une cellule de déradicalisation. Dix familles de Seine-Saint-Denis qui craignent un départ de proches sont suivies par des travailleurs sociaux en accord avec le ministère de l’Intérieur. Il y a également un numéro vert que les familles peuvent appeler si elles sont confrontées à une radicalisation d’un proche. L’année prochaine devrait voir la création d’une équipe mobile de déradicalisation.
 
Mais pour l’heure la véritable problématique de radicalisation se situe dans les prisons françaises. 130 personnes incarcérées sont connues pour leur pratique d’un islam radical. Elles sont autant de mauvais prêcheurs potentiels. La tentation de les regrouper est diversement appréciée. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, se montre elle-même très réservée sur une expérience de regroupement menée à la prison de Fresnes.
 
Le cas de l’Arabie Saoudite.
 L’Arabie Saoudite et ses centres de déradicalisation cinq étoiles a beaucoup fait parler. C’est le prince saoudien Mohammed Ben Nayef qui en 2006 lance l’idée. Pour contrer l’influence d’Al-Qaïda, il s’agit de créer un centre de réislamisation. Là, on enseigne le vrai islam, débarrassé de ses interprétations extrémistes.

Rien de neuf ici, l’Arabie Saoudite intervient traditionnellement dans la formation des prédicateurs. Ceux-ci viennent des grandes écoles de théologie et interviennent partout dans le monde. Personnalitées respectées elles peuvent amorcer le dialogue avec les plus extrémistes.

Déradicalisation ou retournement?
L’aspect «Club Med» des centres de déradicalisation peut surprendre. Piscine, salle de sport, jeux, etc…ouverts à des détenus libérés de Guantanamo.
Au point que des observateurs comme Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, cité par Slate, parle de tentative de prise de contrôle de ces djihadistes afin de les rendre utiles à la monarchie saoudienne.

Une analyse confirmée par l’écrivain américain Robert Lacey. Lors d’un reportage pour le New York Times, Il a visité  le centre de déradicalisation de Ryad. «On ne dit pas aux terroristes de renoncer au djihad. On leur demande juste d’écouter le gouvernement et de faire ce que le gouvernement et le Cheik leur disent. Ces derniers savent bien qu’ils  ne peuvent pas éradiquer le djihad de leur esprit…» commente le reporteur. On est bien loin de l'objectif affiché!

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