Mobilisations en Europe pour le blogueur saoudien Raif Badawi
Cette jeune femme d'une trentaine d'années, veste rose, longs cheveux châtains, est à Paris pour communiquer sur le livre que son mari a écrit. Un recueil de textes qu'il a posté sur son blog et dans lesquels il défend la liberté d'expression. L'occasion, à travers cette tournée européenne, de nous sensibiliser sur le sort de son mari, Raif Badawi, bloggeur saoudien de 31 ans, père de trois enfants, emprisonné depuis 3 ans et condamné à 1 000 coups de fouets pour avoir osé critiquer la police religieuse saoudienne.
Sa femme, Ensaf Haidar, peut s'exprimer librement car elle vit actuellement au Canada. Elle a été contrainte de quitter son pays en 2012 quand les ennuis pour Raif ont commencé et qu'une "fatwa a été lancée " contre lui "par un cheikh en Arabie saoudite. Il l'accusait de ne pas être musulman".
Affaibli physiquement et moralement
Cela fait trois ans que Ensaf et ses trois enfants vivent au Canada. Son mari, lui, a déjà subi 50 coups de fouets en janvier dernier. Il en reste 950... Les autorités ont décrété une pause à cause de son état physique, peut-être aussi grâce à la mobilisation internationale. Raif Badawi est très affaibli physiquement, mais aussi moralement, nous confie Ensar.
"Quand il y a des réactions internationales, ça nous donne de l'espoir, mais quand Raif regarde la réalité, elle est en fait très très sombre. Il est loin de ses enfants, et il le sera pendant 10 ans. Ça fait déjà 3 ans qu'il en est séparé. Je le sens bien quand je l'ai au téléphone. Il ne veut pas parler de sa situation, mais au son de sa voix, je sais qu'il ne va pas bien ".
La situation des droits de l'homme se dégrade en Arabie saoudite
Ensaf Haidar espère que ce tapage médiatique va faire infléchir la position des autorités saoudiennes. L'arrivée d'un nouveau roi il y a quelques mois était prometteuse. Mais le roi Salman se révèle encore plus dur que ses prédécesseurs. La situation des droits de l'homme s'est considérablement dégradée dans le pays, d'après Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières.
"Les Saoudiens sont empêchés d'évoquer librement le roi, la religion, avec une nouvelle loi aberrante, qui prévoit que l'athéisme est considéré comme une forme de terrorisme. L'Arabie saoudite ne se contente pas de condamner ses ressortissants à des peines aussi iniques. C'est un pays qui veut imposer à tous une notion des droits de l'homme ".
Depuis le début de l'année, l'Arabie saoudite a condamné à mort 90 personnes. C'est autant que pour toute l'année dernière. Les blogueurs sont de plus en plus visés. Parmi eux, Raif, qui, lui, est peut-être allé plus loin que les autres, nous explique May Romanos, chercheur et membre d 'Amnesty international.
"C'est un activiste, et il a vraiment critiqué la police religieuse en Arabie Saoudite. I l a osé parler différemment des autres, avec un esprit plus critique. Alors que les autres défenseurs demandent juste les réformes, la démocratie, une monarchie constitutionnelle, juste la base des droits de l'homme ".
Réformer le "système politique" saoudien
Amnesty veut croire que l'Arabie Saoudite peut infléchir sa position sur le cas de Raif, il en va de son rayonnement à l'international, selon Stephan Oberreit, membre de l'ONG.
"L'Arabie saoudite est un pays qui cherche à être dans le concert des Nations, qui cherche à être reconnu. Il y a des enjeux géopolitiques de pouvoir. Et s'ils veulent avoir une place au-delà de leur force économique et géostratégique, il faudrait qu'ils fassent certaines évolutions dans leur système politique, dans leur façon de traiter la population, pour permettre un certain libéralisme tant attendu par la population, qui malheureusement a peur de s'exprimer ".
En dépit de cette situation, l'Arabie saoudite milite toujours pour être présidente du conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.