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Megrahi: le fils Kadhafi aggrave la polémique

La libération du Libyen condamné pour l'attentat de 1988 aurait été au centre de "contrats commerciaux" avec Londres
Article rédigé par France2.fr
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Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi (à gauche), à sa sortie de l'avion qui l'a ramené de l'Ecosse à Tripoli (20/08/2009) (© France 2)

La libération du Libyen condamné pour l'attentat de 1988 aurait été au centre de "contrats commerciaux" avec LondresLa libération du Libyen condamné pour l'attentat de 1988 aurait été au centre de "contrats commerciaux" avec Londres

"Dans tous les contrats commerciaux, de pétrole et de gaz avec la Grande-Bretagne, (M. al-Megrahi) était toujours sur la table des négociations", a lancé Seïf al-Islam, fils du colonel Kadhafi à la TV libyenne.

Londres a aussitôt démenti ces affirmations. "Il n'y a aucun arrangement", a assuré samedi un porte-parole du Premier ministre Gordon Brown.

Le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband s'est insurgé de son côté contre les suggestions selon lesquelles Londres aurait voulu la libération d'Abdelbaset Ali Mohammed al-Megrahi pour améliorer les relations commerciales avec la Libye, riche en pétrole.

Megrahi reçu par Kadhafi

Atteint d'un cancer, libéré pour raisons médicales, Abdelbaset Ali Mohamet al-Megrahi, 57 ans, a quitté jeudi sa prison en Ecosse et a été accueilli le soir même en héros à l'aéroport de Tripoli. L'ancien agent des services secrets libyens était accompagné par Seif Al-Islam, fils du colonel Kadhafi. Vendredi soir, il a été reçu par le numéro un libyen Mouammar Kadhafi. L'homme fort de la Libye a salué le "courage" et "l'indépendance" du gouvernement écossais, à l'origine de la libération du seul condamné (en 2001) pour l'attentat perpétré le 21 décembre 1988 contre un avion de la Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie, et qui fit 270 morts, dont de nombreux Américains.

Megrahi veut prouver son innocence avant sa mort

Dans "The Times" de samedi, l'ex-détenu libyen a affirmé qu'il allait produire des preuves démontrant qu'il avait été victime d'une "erreur judiciaire". Dans un entretien, mené au domicile de sa famille à Tripoli, al-Megrahi, condamné à la prison à perpétuité et libéré jeudi par l'Ecosse pour raisons médicales, a réitéré son innocence.

Le quotidien britannique rapporte qu'al-Megrahi a promis de donner avant sa mort, via ses avocats écossais, de nouvelles preuves le mettant hors de cause dans l'explosion du Boeing 747 de la Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie. "Mon message aux populations britanniques et écossaises est que je vais produire des preuves et leur demander d'être juges." Interrogé par "The Times" sur l'identité des responsables de l'attentat de Lockerbie, il a répondu: "C'est une très bonne question, mais je ne suis pas la bonne personne à qui la poser." Il a réaffirmé que la Libye n'était pas à l'origine de l'attentat, mais a refusé de se prononcer sur la possibilité que d'autres Etats, tels que l'Iran, puissent être impliqués.

A sa libération, al-Megrahi avait déclaré, selon une déclaration lue par ses avocats: "Cette terrible épreuve ne prendra pas fin avec mon retour en Libye. Elle pourrait même ne pas prendre fin avant ma mort. Peut-être la seule libération pour moi sera ma mort."

Alors que Barack Obama avait qualifié jeudi cette libération d'"erreur", l'ex-condamné lui a répondu samedi dans "The Times": "Ne vous inquiétez pas, M. Obama. Je n'ai que trois mois (à vivre)."

Concernant l'indignation des familles des victimes à l'annonce de la mesure de clémence à son égard, il a déclaré: "Ils ont de la haine envers moi. C'est naturel de se comporter ainsi (...) Ils pensent que je suis coupable, alors qu'en réalité je ne le suis pas. Un jour, la vérité ne sera plus cachée comme elle l'est maintenant. Nous avons un proverbe arabe qui dit: la vérité ne meurt jamais".

Edimbourg assume une décision motivée par la "compassion"


"C'est ma décision que M. Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, condamné en 2001 pour l'attentat de Lockerbie et actuellement en phase terminale d'un cancer de la prostate, soit libéré pour des raisons médicales et autorisé à rentrer en Libye pour y mourir", a annoncé jeudi à Edimbourg le ministre écossais de la Justice, Kenny MacAskill. Il a précisé que Megrahi devait être emmené vers l'aéroport de Glasgow (Ecosse), pour prendre un avion vers la Libye. "Notre système judiciaire demande que la justice soit rendue mais que la compassion soit possible, nos convictions imposent que la justice soit faite mais que la clémence soit accordée."

Le ministre écossais a souligné que selon le corps médical, Megrahi n'avait pas plus de trois mois à vivre. "Il est maintenant confronté à la justice d'en-haut (...) Il va mourir."

En juillet, le gouvernement écossais avait déclaré avoir reçu une demande de libération d'Abdelbaset al-Megrahi pour raisons médicales, le détenu libyen souffrant d'un cancer de la prostate. En mai, Tripoli avait sollicité son transfèrement en Libye sur la base d'un traité sur les prisonniers entre les deux pays. Megrahi avait également fait une nouvelle demande d'appel contre sa condamnation au début de l'année. Il avait perdu un précédent appel en 2002. Les médecins lui avaient diagnostiqué un cancer de la prostate en 2008.

La Libye, dont les relations avec les Occidentaux se sont réchauffées depuis qu'elle a renoncé aux armes de destruction massive en 2003 et accepté de verser des compensations aux familles des victimes de l'attentat, avait averti que Londres pourrait subir des conséquences économiques si Megrahi n'était pas libéré.

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