Lunel : les questions autour d'un coup de filet anti-djihadiste
Cinq hommes ont été interpellés et placés en garde à vue mardi lors d’une opération à Lunel, une ville d’un peu plus de 20.000 habitants dans le sud de la France, lieu de départ d’une quinzaine de jeunes gens ces derniers mois pour la Syrie.
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Le trouble des habitants
Le bouclage d’un quartier du centre ville mardi pour cette vague d’interpellations menée par des hommes du RAID et du GIGN encagoulés a vraiment frappé les esprits des habitants. De nombreux Lunellois se sont dit choqués par ces images, désemparés et plusieurs avaient les larmes aux yeux. C’est au cœur de la ville, au milieu des petits commerces tranquilles, que les interpellations ont eu lieu. Cinq hommes de 26 à 44 ans ont été arrêtés par les forces de l’ordre. Le frère de l’un de ces hommes témoigne :
"Ils sont arrivés à 6h et quart et ils ont explosé la porte. Ils ont pris mon frère pour le questionner et tous les téléphones portables. Ils veulent tout contrôler mais ça ne sert à rien. Ces gens là sont partis, on ne peut rien y faire. Nous on les connaît, tout le monde les connaît, tout Lunel connaît ces gens là. Ils sont partis pour de raisons humanitaires. Après les gens, ils en rajoutent. Ils ont pris mon frère, soit disant parce qu’il avait des relations avec ces gens là. Il n’y a pas de recruteurs."
La présence d'un recruteur ?
Y a-t-il ou non un recruteur parmi les cinq hommes interpellés mardi dans le cadre d’une enquête ouverte depuis des mois au parquet anti-terroriste de Paris ? Au moins l’un de ces cinq hommes rentrait de Syrie. Un autre y serait passé, et revenait de Turquie. Les trois autres avaient peut-être des velléités de départ. Au moins l’un d’eux aurait pu faciliter des financements pour des départs au djihad. La question qui se pose, est de savoir si les forces de l’ordre ont vraiment démantelé une dangereuse filière d’embrigadement et de recrutement vers la Syrie. Ce sont les auditions en garde à vue qui permettront aux enquêteurs de la DGSI et de la sous-direction anti-terroriste de répondre.
Les réactions à la mosquée de Lunel
On se souvient qu’il y a quelques semaines, un responsable de la mosquée de Lunel avait eu un discours ambigu, ne condamnant par directement le départ de ces jeunes pour le djihad. Comment a réagi cette fois la mosquée, à cette série d’interpellations ?
A la mosquée El Baraka de Lunel, un petit bâtiment entouré de palmiers, au milieu d’une vaste zone commerciale excentrée, les responsables ont organisé une petite conférence de presse, mardi soir, à l’heure de la prière. Des responsables qui viennent de prendre leurs fonctions puisque l’ancien dirigeant de l’association des musulmans de Lunel, dont les propos avaient créé une polémique le mois dernier, a cédé sa place au sein de cette association, qui gère la mosquée. Jamel Ben Abdhelkader est le nouveau porte-parole de l’association des Musulmans de Lunel. Il est aussi vice-président et tient à préciser sa profession, moniteur d’auto-école.
"Pour moi l’’islam, c’est un message de paix et d’ouverture, on a été étonné de tout ce qui s’est passé parce à la mosquée de Lunel, l’imam lui-même prône ce message de paix. Il condamne fermement le terrorisme. "
Et quand on l’interroge sur la quinzaine de Lunel partis en Syrie, Jamel Ben Abdlekhader reconnaît qu’il les connaissait, mais il assure que la mosquée ne les a pas poussés au djihad.
"Ce sont des jeunes qui fréquentaient la mosquée, pour la plupart on les connaissait. La mosquée, c’est un lieu de culte, on n’est pas des policiers. Tout le monde peut rentrer à la mosquée. Elle n’avait jamais été à la source de toute cette fameuse filière djihadiste qu’il y aurait à Lunel. Je peux vous l’affirmer, il n’y a aucune filière djihadiste."
Les nouveaux responsables de la mosquée assurent qu’ils veulent travailler main dans la main avec les élus pour lutter contre ces départs en Syrie. Le maire divers droite de Lunel, Claude Arnaud, a déclaré dès mardi, sur France Info, qu’il était important de savoir qui il y avait derrière ces départs. "Est-ce qu’il y a vraiment quelque chose d’organisé ?" s’interroge-t-il. La question est au cœur du problème, car on sait que beaucoup de jeunes partent sur une terre de djihad, par élan d’amitié pour un proche déjà parti, il y a aussi de nombreux départs en famille, qui sont sans doute un peu différents d’une filière d’endoctrinement plus vaste.
Une quinzaine de jeunes Lunellois seraient partis en Syrie, au moins cinq d’entre eux y ont perdu la vie. Il y a actuellement plus de 1.200 Français impliqués dans les filières djihadistes, environ un tiers combattent actuellement entre la Syrie et l’Irak.
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