Lors de l'assassinat des moines de Tibéhirine, il y avait des contacts étroits entre la DST et son homologue algérienne
Les documents déclassifiés des ministères de la Défense et de l'Intérieur, dont Le Figaro et Médiapart font état jeudi, montrent aussi qu'il existait de la circonspection des Français à l'égard d'Alger.
Sept cisterciens avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère près de Medea, avant d'être tués.
Cette affaire n'a cessé de soulever des interrogations ces treize dernières années comme la thèse, selon laquelle les tirs les ayant tués provenaient d'hélicoptères militaires algériens et non du Groupe islamique armé de Djamel Zitouni qui avait à l'époque revendiqué l'enlèvement, puis l'assassinat des religieux le 21 mai 1996.
Quelque 68 documents "confidentiel défense" de la DGSE et de la DRM (Direction des renseignements militaires) ainsi qu'une dizaine de notes de la DST ont été déclassifiés en novembre à la demande des juges antiterroristes chargés de l'enquête sur l'enlèvement et la mort des moines.
Ces documents laissent apparaître l'existence de contacts étroits entre la DST française et son homologue algérienne, la DCE, alors dirigée par le général Smaïn Lamari.
Dans une note rédigée le 8 avril, le général Philippe Rondot, alors en poste à la DST, dresse le compte-rendu d'un déplacement de deux jours à Alger: "Si la coopération de la DCE me semble acquise - à condition de rester dans le cadre fixé par Alger - il faut bien convenir que notre seule source opérationnelle sur le terrain reste ce service", estime-t-il.
Le général Lamari a en effet exigé que la DST soit le "seul canal" pour gérer cette opération avec Alger, rappelle le général Rondot qui ajoute: "Restons donc prudents dans nos analyses et circonspects par rapport au 'produit' livré par la DCE".
Le 10 mai, dans une nouvelle note, le général Rondot fait part de ses "considérations (amères) sur la gestion de l'affaire des moines de Tibéhirine et propositions (malgré tout) d'action". Déplorant que les Français demeurent "dépendants" des services algériens, il relève qu'ils ont "sans aucun doute d'autres impératifs (politiques et sécuritaires) que les nôtres s'agissant de la survie et de la libération des religieux. Ils peuvent être tentés de régler brutalement ce qu'ils considèrent comme un simple 'fait divers'".
Quelques jours après la mort des moines, Philippe Rondot dresse la chronologie de ses contacts avec Lamari. Il en conclut que la coopération a été "continue, même s'il a fallu, trop souvent, 'relancer' nos interlocuteurs".
Rien dans ces notes ne vient évoquer la thèse d'une manipulation de Zitouni par les services algériens, le général Rondot affirme seulement que "très (trop) longtemps - et pour des raisons d'ordre tactique - Djamel Zitouni et ses groupes ont bénéficié d'une relative tolérance de la part des services algériens: il aidait (sans doute de manière involontaire) à l'éclatement du GIA et favorisait les luttes intestines entre les groupes armés".
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