Lehman Bros, cinq ans après : d'où viendra la prochaine crise ?
Quel est le nom de la plus grande banque mondiale ? Question à tester avec ses amis. Le gagnant méritera quelques "bravos". Car bien peu de Français connaissent la banque ICBC, Banque industrielle et commerciale de Chine. Son implantation, en 2011, au coeur du quartier d'affaires parisien du boulevard Haussmann donne pourtant une idée de sa puissance : la ministre de l'Economie de l'époque, Christine Lagarde, a jugé utile de faire le déplacement au cocktail donné au Palais Brongniart pour célébrer l'ouverture de l'agence.
Ce géant méconnu, première banque du monde en termes de capitalisation boursière, est suivi par une autre banque chinoise : la China construction Bank. Au total, quatre banques chinoises figurent parmi les sept premières banques du monde en termes de capitalisation financière. Et ces mastodontes, dont la taille n'a rien à envier à la defunte Lehman Brothers, ont de quoi donner quelques sueurs froides.
Créances "pourries"
Ce fut le cas au début de l'été, lorsque les clignotants ont soudain viré au rouge. Les taux se sont envolés en Chine, faisant penser que le système était en train de s'effondrer. En cause, la masse de crédits accordés. Entre 2009 et 2010, ils ont plus que doublé. Et quelle est la part de crédits "pourris" ? Environ 1% répondent les banques chinoises. Bien plus, estiment les investisseurs.
La méfiance est telle que les bons résultats dévoilés en septembre n'ont pas fait revenir ceux qui se sont enfuis. D'autant que les banques chinoises entretiennent des relations étroites avec le système des banques informelles dit shadow banking . Il draine tous ceux qui ne parviennent pas à se financer à travers les banques à pignon sur rue et le taux de créances douteuses y est probablement plus élevé encore : "le gros risque bancaire aujourd'hui, il est dans les pays émergeants, et notamment en Chine. Le futur Lehman, il est sans doute chinois ", explique l'analyste financier Hubert Tassin, de Bourse Academy.
Pas de cataclysme venant de Chine
Mais la fragilité, réelle ou présumée, des géants chinois laisse pour l'instant la finance américaine et européenne de marbre. Tout comme les banques des autres pays émergents, qui font face à des replis de capitaux vers les pays développés, maintenant que les marchés comprennent qu'ils n'y trouveront pas les taux de croissance qu'ils espéraient. L'activité des banques chinoises est encore très largement tournée vers la Chine elle-même ou sa diaspora. Et un effondrement majeur n'aurait pas le même impact que celui de Lehman Brothers : "Effectivement on a un système chinois opaque, où il y a sans doute beaucoup de prêts non remboursables et une très grande fragilité du système bancaire. Mais en même temps, la Chine a beaucoup de réserves. Elle a la capacité de venir au secours de telle ou telle banque en cas de problème. Les banques chinoises sont encore mal intégrées dans le système financier mondial et donc, a priori, il peut y avoir des problèmes en Chine, mais on voit mal un cataclysme mondial partir de Chine telle qu'elle est actuellement ", rassure l'économiste Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l'OFCE.
Fragilités européennes
L'Europe et les Etats-Unis n'en respirent pas forcément mieux pour autant. Car les fêlures demeurent à l'intérieur de leur système. A commencer par la zone euro, dont certains pays, comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie ou l'Irlande restent fragiles face à une éventuelle poussée de spéculation. La question du remboursement - ou non - de leur dette est aussi loin d'être tranchée alors que leurs économies frisent parfois la mort cérébrale.
A cela s'ajoutent les contradictions d'un système qui joue la politique de l'autruche, en restant basé sur l'endettement, sans être tout à fait clair vis à vis des banques qui oscillent entre une réglementation devenue plus draconienne depuis cinq ans et la persistance de paradis fiscaux où elles restent quasiment sans contrainte. Et la banque informelle ne se développe pas qu'en Chine. Les recherches de financement passent aussi de plus en plus par d'autres acteurs que les banques. Les assurances, entre autres, y prennent du poids, voire directement une recherche sur les marchés via les places boursières. Des places boursières qui ne sont pas moins instables qu'il y a cinq ans.
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