Le Royaume-Uni s'attaque aux viols de guerre
Le ministre des Affaires étrangères britannique a promis d'investir 1,25 million d'euros pour lutter contre cette pratique ancienne qui bénéficie encore largement de l'impunité.
MONDE - Le corps des femmes ne sera plus un butin de guerre. Pour y parvenir, le ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, a promis d'investir 1,25 million d'euros, mardi 25 septembre, lors d'une réunion en marge de l'assemblée générale de l'ONU, à New York. Cette somme doit financer un projet du ministère destiné à "mettre fin à des violences sexuelles de guerre".
Il s'agit de constituer une équipe d'experts - médecins, avocats, policiers, psychologues - envoyée là où les besoins se font sentir, pour recueillir les témoignages des victimes, les soutenir et leur faciliter l'accès à la justice.
William Hague a affirmé que son pays profiterait de sa présidence tournante du G8 en 2013 pour attirer l'attention de la communauté internationale sur ce problème.
Une arme de destruction massive
Le viol a été utilisé massivement comme arme de guerre durant les conflits au Rwanda (1994) et en ex-Yougoslavie (1991-2001). Ce n'est pas un hasard si Angelina Jolie a projeté son film, Au pays du sang et du miel, qui se déroule en pleine guerre de Bosnie, lors du lancement de la campagne britannique sur ce thème, en mai dernier. Sur fond d'amour impossible entre une jeune musulmane et un militaire serbe, l'actrice-réalisatrice n'a pas hésité à mettre en scène des viols.
Au-delà de ces exemples récents, les abus sexuels "sont une arme de guerre sinistrement intemporelle et universelle", d'après une étude historico-stratégique de la chercheuse Anne Dupierreux. De l'Antiquité, où "le viol et les pillages constituaient une motivation de recrutement et des avantages en nature offerts aux soldats", aux deux guerres mondiales, le viol est utilisé "à des fins de domination, de terreur, d'humiliation", explique-t-elle.
Des chiffres et des témoignages
Les chiffres démontrent l'ampleur du phénomène aux XXe et XXIe siècles. D'après les estimations des Nations unies, entre 20 000 et 50 000 femmes auraient été violées pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans le cas du Rwanda, on estime entre 250 000 et 500 000 le nombre de femmes violées pendant les trois mois qu'a duré le génocide en 1994. Pendant la guerre civile en Sierra Leone, le nombre s'élève à 50 000-64 000 femmes. En République démocratique du Congo, plus de 200 000 femmes ont été victimes de viol lors des conflits.
Si les chiffres perturbent, les témoignages, eux, pétrifient, qu'ils viennent des femmes bosniaques victimes de viols systématiques, des Rwandaises abusées, dont 70% ont été contaminées par le sida d'après Amnesty International, ou des Congolaises anéanties par les viols brutaux et sadiques rapportés en 2007 par le New York Times (lien en anglais).
Aujourd'hui, la communauté internationale s'inquiète pour les femmes syriennes et maliennes. D'après un rapport de l'ONU, les violences sexuelles seraient très répandues dans ces pays.
Des crimes encore peu condamnés
Malgré le combat des associations féministes et la reconnaissance du viol par l'ONU comme une violation grave du droit international humanitaire et une "tactique de guerre" (lien en anglais), il existe encore aujourd'hui des obstacles pour que les victimes aient accès à l'aide psychologique et à la justice.
Celles-ci craignent souvent le déshonneur ou les représailles. Un soutien médical et/ou psychologique adapté fait défaut, remarque Amnesty International dans un rapport sur la situation en Bosnie-Herzégovine.
Si elles décident de porter plainte, elles doivent être prêtes à une procédure longue et lente. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, créé en 1993 dans le but de poursuivre les responsables présumés de crimes contre l'humanité, n'a pour le moment condamné que 78 des 161 accusés de crimes sexuels.
Souvent, les responsables ne sont jamais punis. Les violences sexuelles subies par les Tchétchènes, lors de la deuxième guerre russo-tchétchène, n'ont pas entraîné de conséquences en Russie. Slate.fr précisait en 2011 que "le viol est un crime selon le code pénal russe (article 131-1), mais seuls quelques soldats de rang assez bas ont été jugés après la guerre en Tchétchénie".
C'est cette impunité qui est dans la ligne de mire du chef de la diplomatie britannique. "Nous voulons voir une augmentation des plaintes qui aboutissent et mettre fin à la culture d'impunité", a martelé William Hague mardi.
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