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La peine de mort par lapidation de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, condamnée pour adultères, pourrait être annulée

Interrogé sur la possibilité d'annuler la peine de mort contre Sakineh, le chef de la Justice de la province d'Azerbaïdjan oriental, Malek Ajdar Sharifi, a estimé que "tout est possible".Selon ce responsable, certains "doutes" demeurent encore quant aux "preuves" dans l'affaire de Sakineh, ce qui a retardé la prise d'une décision finale.
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Sakineh Mohammadi Ashtiani, le 1er janvier 2010 à Tabriz. (AFP - Atta Kenare)

Interrogé sur la possibilité d'annuler la peine de mort contre Sakineh, le chef de la Justice de la province d'Azerbaïdjan oriental, Malek Ajdar Sharifi, a estimé que "tout est possible".

Selon ce responsable, certains "doutes" demeurent encore quant aux "preuves" dans l'affaire de Sakineh, ce qui a retardé la prise d'une décision finale.

Sakineh Mohammadi-Ashtiani, qui a annoncé samedi son intention de porter plainte contre plusieurs personnes, a été condamnée à mort en 2006 pour implication dans le meurtre de son mari, avec l'aide de son amant Issa Taheri, et à la lapidation pour adultères. La première peine a été ramenée à 10 ans de prison en appel en 2007, mais la seconde a été confirmée la même année par une autre cour d'appel. La justice a suspendu en juillet la peine de lapidation en attendant un nouvel examen du dossier.

La révélation de cette affaire en juillet par des associations de défense des droits de l'Homme a provoqué une vive émotion en Occident et une intense mobilisation, de nombreux pays demandant que cette sentence ne soit pas appliquée.

Sakineh portera plainte "contre ceux" qui l'ont "déshonorée", elle et son pays
Dans une brève conférence de presse à Tabriz devant des médias étrangers, Sakineh a affirmé samedi qu'elle entendait poursuivre d'abord les deux journalistes venus interviewer son fils en octobre et emprisonnés depuis en Iran. "J'ai dit à Sajjad (son fils) (...) de porter plainte contre ceux qui m'ont déshonorée, moi et le pays", a déclaré samedi devant la presse Sakineh Mohammadi-Ashtiani à Tabriz, où elle est emprisonnée. Elle est apparue au côté de son fils, qui avait auparavant réclamé la grâce pour sa mère.

Elle a énuméré tous ceux qu'elle entendait poursuivre: "les deux Allemands", mais aussi son ancien avocat Me Mohammad Mostafaie ainsi que Mina Ahadi, qui dirige le Comité international anti-lapidation dont le siège est à Cologne. Elle a également cité son complice dans le meurtre de son époux, Issa Taheri. "J'ai des motifs pour les poursuivre", a-t-elle ajouté.

Les deux Allemands, journalistes pour le journal Bild am Sonntag du groupe de presse Axel Springer, ont été arrêtés le 10 octobre à Tabriz alors qu'ils interviewaient Sajjaj Ghaderzadeh, le fils de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, et son avocat Javid Houtan Kian.

Sakineh a dit parler "de son plein gré"
"Je suis venue devant les caméras de mon plein gré pour m'adresser au monde", a dit l'Iranienne de 43 ans, emprisonnée depuis 2006.

"Je veux m'exprimer car beaucoup ont exploité (l'affaire) et dit que j'avais été torturée, ce qui est un mensonge", a-t-elle ajouté, parlant en farsi avec un léger accent azéri (langue turque du nord-ouest de l'Iran). "Laissez tomber mon affaire. Pourquoi me déshonorez-vous?", a-t-elle demandé.

Vêtue d'un manteau noir et coiffée d'un foulard marron, Mme Mohammadi-Ashtiani a parlé moins de 10 minutes devant les journalistes qui n'ont pas pu poser de questions.

Depuis juillet, Mme Mohammadi-Ashtiani a fait trois apparitions à la télévision. La dernière en date, début décembre, était une "reconstitution" du meurtre diffusée par la chaîne iranienne en anglais Press-TV. Mme Mohammadi-Ashtiani avait été tirée de sa prison pour l'occasion avec le feu vert de la justice iranienne.

Le philosophe Bernard Henri Lévy, qui a lancé cet été une pétition pour sauver Sakineh hébergée sur son site La Règle du Jeu , avait alors sur l'identité de la personne présentée comme étant Sakineh. Il avait souligné que même s'il s'agissait bien d'elle, elle ne pouvait parler et agir que "sous la contrainte".

Sakineh "soumise à une énorme pression", réagit Mme Ahadi
Mina Ahadi
, qui dirige le Comité international anti-lapidation dont le siège est à Cologne et contre laquelle Sakineh a dit vouloir porter plainte, a été dans le même sens samedi soir. "Je pense qu'elle est soumise à une énorme pression par le régime islamique et qu'elle a dit ça sous la pression", a-t-elle estimé.

Selon cette femme, qui avait organisé la rencontre des deux journalistes allemands avec le fils de Sakineh, l'annonce de ces plaintes ne constitue "absolument pas" un problème. "Je me réjouis de voir que nos activités contre la lapidation" gênent autant le régime, a-t-elle déclaré à l'AFP.

Quant au rédacteur en chef adjoint du journal allemand Bild am Sonntag, il a jugé "étonnante" l'annonce de Sakineh. "Nous trouvons étonnant qu'une femme qui a été condamnée à mort en Iran puisse quitter quelques heures sa prison pour annoncer devant des médias occidentaux qu'elle veut porter plainte contre des journalistes qui couvrent cette affaire", a déclaré Michael Backhaus, interrogé par l'AFP depuis Berlin.

Son fils implore la grâce
Le fils de Sakineh, Sajjad Ghaderzadeh, a admis samedi que sa mère avait enfreint la "charia" (loi islamique) mais a plaidé la compassion et le pardon.

"A mes yeux, ma mère est coupable mais depuis la disparition de mon père, je ne veux pas perdre mon autre parent"", a-t-il dit lors d'une conférence de presse qu'il a tenue seul à Tabriz quelques heures avant celle de sa mère. "En conséquence, je demande que sa peine soit commuée", a-t-il ajouté.

Sajjad est lui-même poursuivi par la justice iranienne pour avoir accordé une interview à deux journalistes allemands Bild am Sonntag à propos de la condamnation de sa mère. Il a été mis en liberté conditionnelle courant décembre après versement d'une caution de 40.000 dollars.

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