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"La mort de JFK, c'est la fin d'une Amérique rêvée" (Snégaroff)

INTERVIEW | L'Amérique va commémorer vendredi le 50e anniversaire de la mort de John Fitzgerald Kennedy. Le président américain, assassiné à Dallas le 22 novembre 1963 par, selon, la théorie officielle, un homme Lee Harvey Oswald. Un évènement qui a marqué le monde entier. Car outre le mystère qui entoure cette mort, l'assassinat de JFK marque également la fin d'une Amérique rêvée explique l'historien Thomas Snégaroff, spécialiste des Etats-Unis et auteur de "Kennedy, une vie en clair obscur" aux éditions Armand Colin. 
Article rédigé par Baptiste Schweitzer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (AP/SIPA)

Pourquoi, 50 ans après, parle-t-on encore tant de la mort de
JFK ?

Par le mystère, le fait qu'on ne sache pas encore
aujourd'hui qui a tué Kennedy. Il y a aussi les images de la mort. C'est l'un
des premiers évènements qui a été fixé sur la pellicule à ce point là, avec le
film d'Abraham Zapruder notamment. Il y a également le personnage en lui-même
qui a travaillé, de son vivant, son propre mythe.

Mais cette mort a également été une vraie fêlure. D'une
certaine manière, c'est une Amérique qui disparaissait. Ce n'est pas une Amérique
réelle mais une Amérique rêvée, jeune, belle, courageuse. Des valeurs fausses
quand on connaît le personnage mais c'est l'image qu'on en garde et c'est
l'image nostalgique qu'on en a aujourd'hui. C'est une Amérique qui savait qui
elle était. Il y a avait les gentils et les méchants soviétiques. C'était une
Amérique plus simple.

Finalement, la mort de Kennedy, c'est l'entrée dans une période de turbulences,
plus complexe. Il y a les émeutes raciales en 1968, la mort de Martin Luther
King, la mort de Bobby Kennedy, l'élection de Nixon, le Watergate, la guerre du Vietnam... Il y a l'idée qu'il y a un âge d'or de l'Amérique qui a disparu sous les balles
d'un ou plusieurs tireurs.

Quel président John Fitzgerald Kennedy a-t-il été ?

Il a été 1036 jours seulement à la tête de son pays c'est
très peu. Surtout, il a été un président de la guerre froide. À ce titre il a
pas été un très grand président. Il y a l'échec de la baie des Cochons, qui n'a
pas été son opération mais qu'il a dû assumer. Il y a la réussite de la crise
des missiles de Cuba, mais elle tient essentiellement à la modération de
Kroutchev. Il y a aussi le Mur de Berlin qui est édifié sous la présidence de
JFK en août 61. Il aura fallu atteindre 1963 pour que Kennedy aille à Berlin et
ne prononce que des mots. "Ich bin in Berliner" , c'est bien
beau, mais il n'a rien fait concrètement pour faire tomber le mur.

Reste la question des droits civiques
qui a été importante dans la campagne. Il a notamment aidé Coretta
King à faire libérer Martin Luther King. Il avait le flair de se
dire qu'il y avait l'électorat noir a séduire, qui à l'époque
votait majoritairement républicain. Après son élection, il n'a
plus fait grand chose.

À la toute fin, et notamment après le
discours de Martin Luther King d'août 1963, il a fait grand discours
pour promouvoir les droits civiques, guidé d'ailleurs par son frère
Bobby beaucoup plus intéressé par les questions raciales. L'une
des raisons pour lesquelles JFK fait ce voyage au Texas, c'est qu'il
avait peur qu'avec un discours trop pro-noir, il perdrait les États
du Sud nécessaires à sa réelection en 1964. À la hâte on
organise un voyage. Tout le monde lui dit que c'est dangereux. Mais à
la Kennedy il se dit que "quand on ne veut pas ça n'apparait
pas". C'est la "pensée magique" de JFK. Mais
ce sera son dernier voyage.  

Saura-t-on un jour qui a tué Kennedy ?

À mon avis on ne le saura jamais. Les archives ont
quasiment toutes été ouvertes. Il reste juste à ouvrir des éléments techniques.
Ce qui a dû être détruit a été détruit. Par exemple Bobby Kennedy à fait faire
une enquête sur la mort de son frère. Quand Bobby est mort assassiné en 1968,
le dossier a été donné à Jacky Kennedy et Jacky l'a brûlé. Par ailleurs, le
temps passe et les témoins directs disparaissent.

De plus, l'enquête a été bâclée. Mais ce n''est pas pour ca
qu'il y a forcement complot. Beaucoup de gens avaient intérêt à ce que l'affaire s'arrête rapidement. Le FBI avait laissé filer Lee Harvey Oswald
alors qu'il était procubain, violent et qu'il avait vécu en URSS. Bobby Kennedy
a accéléré l'autopsie car il ne voulait pas qu'elle révèle le nombre extraordinaire
de médicaments que prenait son frère. Il ne fallait pas déboulonner le mythe
alors qu'il était en train de naître. Donc on va encore beaucoup réfléchir à
qui l'a tué. Vous savez, Jules César a été assasiné on ne sait toujours pas par qui...

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