L'opposant Mohamed ElBaradei a promis dimanche "une ère nouvelle" aux manifestants
Désigné dimanche par l'opposition égyptienne pour "négocier" avec le régime du président Moubarak après 6 jours de révolte, M.Baradeï a pris la parole devant les milliers de manifestants au Caire.
De son côté, le gouvernement a ordonné à la police de retourner dans les rues et a prolongé le couvre-feu d'une heure, de 15h à 8h.
Malgré les nominations annoncées samedi par le président, et les violences qui ont fait au moins 125 morts et des milliers de blessés depuis mardi, la mobilisation ne semblait pas faiblir.
Le pouvoir face à la rue
Le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans, a procédé samedi à un remaniement ministériel et a désigné Ahmed Chafic comme nouveau Premier ministre.
Il a aussi nommé un vice-président, poste qui n'existait pas jusqu'alors en Egypte.
De son côté, l'armée a bouclé le centre-ville et appelé au respect du couvre-feu. Dans l'après-midi, des hélicoptères militaires ont évolué au-dessus de la place Tahrir, épicentre de la contestation dans la capitale. Des avions de chasse de l'armée égyptienne ont survolé la ville à basse altitude.
La durée du couvre-feu en vigueur dans trois grandes villes d'Egypte, dont Le Caire, va être prolongée d'une heure à partir de lundi, a annoncé la télévision d'Etat. Jusque-là, le couvre-feu commençait à 16 h.
ElBaradei au milieu des manifestants
Le pays est "au début d'une ère nouvelle", a affirmé M. ElBaradei dans la soirée, s'adressant par haut-parleur aux milliers de manifestants réunis place Tahrir, dans le centre de la capitale, malgré le couvre-feu.
"Je vous demande de patienter, le changement arrive", a-t-il déclaré aux manifestants qui scandaient : "Le peuple veut la chute du président !".
La Coalition nationale pour le changement, groupement de plusieurs formations d'opposition, dont les Frères musulmans, a chargé M. ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de "négocier avec le pouvoir" vers un gouvernement d'union nationale.
Le prix Nobel de la Paix était arrivé en début de soirée sur la place Tahrir, dans le centre de la capitale égyptienne. "Nous avons une demande essentielle : le départ du régime et le début d'une nouvelle ère, une nouvelle Egypte, dans laquelle tout Egyptien vivrait dans la liberté et la dignité", a-t-il déclaré, aux côtés de la vedette du cinéma égyptien Khaled Aboul Naga, qui criait "A bas Hosni Moubarak !" avec la foule.
Pour Mohamed ElBaradei, interviewé sur CNN, les Etats-Unis perdent leur "crédibilité"' en appelant à une démocratisation en Egypte et en continuant de soutenir le président Hosni Moubarak. Selon lui, le dirigeant égyptien "doit partir aujourd'hui (...) et faire place à une transition en douceur vers un gouvernement d'unité nationale qui sera suivi par toutes les mesures nécessaires pour une élection libre et équitable".
Les Etats-Unis pour une "transition en bon ordre"
Le président des Etats-Unis s'est entretenu samedi par téléphone avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite ainsi qu'avec les Premiers ministre turc Tayyip Erdogan, israélien Benjamin Netanyahu et britannique David Cameron. "Au cours de ses conversations, le président a réaffirmé son opposition à la violence et ses appels à la retenue; le soutien aux droits universels, y compris au droit de réunion, d'association et d'expression pacifique; et le soutien à une transition en bon ordre vers un gouvernement qui soit sensible aux aspirations du peuple égyptien", a dit la Maison blanche.
"Nous souhaitons voir une transition en bon ordre. Nous demandons instamment au gouvernement Moubarak, qui est toujours au pouvoir (...), de faire ce qui est nécessaire pour faciliter ce genre de transition", a déclaré la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton. Elle a affirmé que l'administration Obama ne faisait "pas campagne pour quelque issue politique que ce soit". Elle a aussi précisé que les Etats-Unis "ne veulent" pas que la crise débouche sur un nouveau régime qui encouragerait "la violence et le chaos".
La police de retour dans les rues
Le ministre sortant de l'Intérieur Habib El Adli a ordonné le retour de la police dans les rues dans toute l'Egypte, après son retrait vendredi. Selon l'agence officielle Mena, des patrouilles de policiers ont commencé à être déployées dès dimanche soir dans tout le pays et coordonnaient leurs actions avec les forces armées.
Les forces de police, très nombreuses en Egypte, avaient disparu des rues et des carrefours dès vendredi, provoquant des scènes de chaos, de pillage et des évasions de plusieurs prisons du pays. A la nuit tombée, des groupes d'Egyptiens armés de bâtons, de gourdins et d'armes de chasse ont pris depuis deux jours l'habitude de contrôler les rues de leurs quartiers, ne laissant circuler que les personnes qu'ils connaissent, pour tenter de dissuader les pillards.
Selon le correspondant d'i-Télé Tangi Salaün, le pouvoir était "prêt à laisser s'établir un certain chaos" avec la multiplication des pillages avant de rétablir l'ordre. Selon lui, l'armée "va plutôt défendre le régime que le renverser".
Au moins 102 morts
Un bilan du nombre de morts depuis le début des manifestations mardi dernier : au moins 102 personnes tuées - dont 33 pour la seule journée de samedi. Depuis six jours, des manifestants réclament le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans. Un autre bilan a fait 111 morts et plus de 2.000 blessés, en majorité des civils, selon l'AFP qui se base sur des chiffres de sources au sein des services de sécurité et des sources médicales. Les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles caoutchoutées.
Pas d'évacuations de Français prévues pour l'instant
Le Quai d'Orsay n'envisageait pas dimanche d'évacuer les ressortissants français en Egypte mais soulignait sa "capacité à réagir" si la situation se dégradait dans ce pays.
"La France se tient avec amitié et respect aux côtés des Tunisiens et des Egyptiens dans cette période absolument cruciale", a déclaré dimanche dans son discours Nicolas Sarkozy, invité d'honneur des chefs d'Etats et de gouvernement africains à Addis Abeba.
Le groupe de matériaux de constructions Lafarge, qui a annoncé lundi l'arrêt provisoire de la production de son usine ciment, a décidé dimanche d'évacuer d'Egypte une partie de ses expatriés et leurs familles, soit une centaine de personnes. Tout comme le groupe France Télécom lundi, qui a rapatrié une vingtaine de personnes.
Le nombre de Français résidant en Egypte est estimé à près de 10.000. Selon Paris, il y a actuellement "plusieurs dizaines de milliers de touristes français" dans ce pays. Chaque année, l'Egypte accueille "600.000 touristes français" et cette période de l'année est considérée à cet égard "comme un pic", selon un diplomate.
Les retours se passent "sans incident", a indiqué dimanche le Syndicat français des agences de voyage. Dans le même temps, les voyagistes français ont décidé de suspendre jusqu'au 3 février inclus tous les départs de vacanciers à destination de l'Egypte, a indiqué l'Association des tour-opérateurs.
L'ambassade américaine prépare l'évacuation de ses ressortissants
Les Etats-Unis, qui recommandent à leurs ressortissants de ne pas se rendre en Egypte, se préparent d'autre part à évacuer leurs ressortissants.
"L'ambassade des Etats-Unis au Caire informe les citoyens américains en Egypte désireux de partir que le département d'Etat est en train de prendre des dispositions pour fournir des moyens de transport jusqu'à des lieux sûrs en Europe", écrit l'ambassade dans un communiqué cité par Reuters.
Gaza ferme sa frontière avec l'Egypte
"Nous suivons avec vigilance les événements en Egypte et dans notre région (...). Nous devons faire preuve de responsabilité et de retenue", a déclaré le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu.
Le mouvement Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a annoncé dimanche la fermeture du terminal de Rafah, à la frontière avec l'Egypte, au motif que les fonctionnaires égyptiens auraient quitté leurs postes.
Par ailleurs, le trafic des marchandises de contrebande s'est nettement ralenti dans les tunnels creusés sous la frontière. Les Gazaouis ont commencé à stocker des carburants par peur de pénurie et de longues files d'attente se sont formées devant les dépôts d'essence, selon des témoins.
Internet toujours coupé
, ont confirmé des journalistes sur place dimanche. En ce 6e jour de la contestation, la chaîne Al Jazira a été interdite dimanche en Egypte, où elle n'émet plus.
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