Journalistes otages en Syrie : des questions sur leur libération
Les quatre journalistes français, retenus en otages en Syrie,
ont été libérés samedi après huit mois de captivité par le groupe ISIS (Islamic State of Iraq and Syria - * État islamique en Irak et en
Syrie), * un
groupe armé lié à Al-Qaïda, qui contrôle de larges zones du nord de la Syrie.
Quand et comment ont-ils été libérés ?
Les journalistes
français ont été retrouvés ligotés, cheveux longs et les yeux bandés, par des
soldats turcs à la frontière avec la Syrie. Ils ont été abandonnés
par des hommes inconnus dans la nuit de vendredi à samedi, près
de la petite ville d'Akçakale, dans le sud-est de la Turquie.
La patrouille de l'armée
turque a d'abord cru être en présence de contrebandiers avant de remarquer que
les hommes parlaient français. Ils
les ont ensuite conduits à un poste de police d'Akçakale.
D'après deux agences de presse turques - IHA et Cihan - ils sont ensuite montés dans un avion spécialement afrété pour eux depuis la ville de Gaziantep vers 23 heures (21 heures en France). Leur retour en France est prévu dans la nuit à Evreux, avant un transfert par hélicoptère à l'aéroport de Villacoublay où il seront accueillis en début de matinée dimanche par François Hollande et leurs familles.
La libération était-elle attendue ?
La libération des quatre otages intervient après celle des deux journalistes espagnols, libérés fin mars alors qu'ils se
trouvaient eux aussi aux mains de l'Etat islamique en Irak et au Levant (ISIS en anglais), le plus radical des groupes
jihadistes en Syrie.
Leur libération n'était pas inattendue
puisque les proches des quatre otages avaient reçu ces derniers temps des
nouvelles. Ils savaient que des négociations avançaient. "Le seul indice était la
libération des journalistes espagnols qui montrait qu'un mouvement se faisait" ,
a raconté le père du photographe indépendant Pierre Torrès. "On savait que les
services français travaillaient activement, et on a eu des messages à plusieurs reprises" , a-t-il expliqué.
Pourquoi le groupe ISIS les a-t-il libérés ?
Les causes de cette libération pourraient être géopolitiques. " Ils sont libres en
grande partie car le groupe ISIS est aujourd'hui dans une situation d'isolement
croissant" , explique Gilles Kepel, politologue, spécialiste du monde arabe. Les
soutiens à la rébellion syrienne pâtissent considérablement de la présence de l'ISIS
et de l'image jihadiste ultra anti-occidentale que celle-ci a finalement eu
dans l'opinion occidentale ", ajoute-t-il.
Y'a-t-il eu une rançon ?
Impossible de savoir s'il y a eu une rançon en
échange de la libération des quatre Français. Ce type d'information n'est jamais communiquée. Mais pour Frédéric Gallois,
l'ancien patron du GIGN, c'est une évidence. "Le kidnapping
est bien le mode d'action de la négociation et qui dit négociation dit
forcément une contrepartie ( ... ) Donc il y a toujours un
espoir à partir du moment où la négociation est bien conduite ", explique-t-il sur France Info.
Le politologue Gilles Kepel explique lui que le groupe ISIS "ne peut pas fonctionner très longtemps sans
un certain nombre d'appuis [financiers, ndlr .] directs ou
indirects venant de la région". Il revient sur l'affrontement entre sunnites et
chiites dans la région. Le régime de Bachar Al Assad, dominé par les Alaouites
(une secte chiite), est soutenu par les Etats chiites, comme l'Iran.
Les Etats sunnites, comme le Qatar ou l'Arabie, apportent
quant à eux leur appui aux insurgés syriens sunnites. Dans la péninsule
arabique, ces Etats "sont sensibles à la dégradation de l'image des mouvements
de rébellion contre Bachar al Assad qui autrefois faisaient la sympathie des Occidentaux ",
remarque Gilles Kepel. " Aujourd'hui, à cause des prises d'otage, ils ne sont plus
soutenus et cela a un impact sur leur capacité à s'armer et à recruter des
sympathisants même si un certain nombre de jihadistes radicaux les rejoignent."
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