Le Pritzker 2014 à l'architecte-humaniste japonais Shigeru Ban
Shigeru Ban est connu en France pour le centre Pompidou de Metz. Cet adepte de l’utilisation de matériaux recyclables ou réutilisables, est également célèbre pour ses bâtiments destinés à des réfugiés, dans des zones dévastées par le tsunami ou le séisme de mars 2011, notamment dans le nord du Japon. M. Ban est aussi connu pour avoir construit, en Nouvelle-Zélande, une cathédrale à base de papier.
L’Eglise anglicane de Nouvelle-Zélande avait besoin dans l’urgence, pour Christchurch, d’un nouveau lieu de culte, détruit lors d’un séisme en février 2011. Elle a alors pensé à Shigeru Ban. Le résultat ? Une cathédrale en carton d’un montant de 2,9 millions d’euros, prévue pour durer une vingtaine d’années, qui a été inaugurée en décembre 2012. Elle a été construite avec des tubes de 600 mm de diamètre, étanchéifiés avec du polyuréthane et ignifugés.
Né en 1957 et formé aux Etats-Unis, l’architecte japonais travaille sur le carton depuis 1986 «après avoir constaté la solidité des rouleaux de papier pour les fax». Il a notamment concrétisé ses réflexions en construisant en 1995 une église à Kobé (Japon), elle aussi touchée par un tremblement de terre. L’édifice a été utilisé jusqu’en 2005.
L’homme s’est forgé une spécialité d’«architecte de l’urgence» depuis 1995 en travaillant avec le Haut commissariat pour les réfugiés après le génocide au Rwanda. Il conçoit alors des abris temporaires destinés aux personnes déplacées. Des bâtiments pouvant être construits rapidement avec des matériaux bon marché, facilement disponibles et recyclables, mais qui ne soient pas du bois. Il peut ainsi utiliser des conteneurs de transport maritime ou des cartons de bière lestés avec des sacs de sable.
Après le Rwanda, il a édifié d’autres structures temporaires, notamment au Sichuan, région chinoise secouée par un tremblement de terre en 2008.
A ses yeux, cette démarche fait partie de sa responsabilité sociale. «Les architectes tendent à travailler avec les classes privilégiées de la société. Historiquement parlant, ce sont les gens riches ou disposant du pouvoir politique qui embauchent des architectes pour changer ce pouvoir en quelque chose de visible, un symbole de leur statut», expliquait-il dans une interview en 2010.
Un chapeau chinois à Metz
Pour autant, Shigeru Ban refuse qu’on le classe dans l’architecture d’urgence. «Si aujourd’hui je crée une architecture d’urgence, demain je peux dessiner le bâtiment d’un grand couturier. Je ne m’impose aucune règle. J’aime développer de nouveaux systèmes avec ce qui est disponible sur place, en m’adaptant», insiste-t-il. De la même façon, l’étiquette écologique l’agace: «Je n’ai jamais attendu cette mode. Quand j’ai commencé à utiliser du carton recyclé, personne ne parlait d’environnement ou de développement durable. Aujourd’hui, ce sont des sujets sensibles que l’on utilise ‘‘à tout va’’».
De fait, si l’architecte japonais a réfléchi à l’utilisation… du sable, il travaille aussi sur du dur… durable. En France, il s’est ainsi fait connaître pour l’annexe du centre Pompidou à Metz, en forme de chapeau chinois. «On peut dire que des paysagistes ont dessiné un jardin et que j’ai posé un chapeau chinois dessus. Il est indéniable que le lien entre le lieu et la construction est très étroit. On peut même parler d’osmose ou de symbiose», commente-t-il.
Le bâtiment messin, construit de préférence avec des matériaux locaux, est constitué d’une structure en bois de 40 m de haut, immense nef permettant d’exposer de très grands formats. Trois galeries rectangulaires possèdent chacune une baie vitrée panoramique donnant sur la cité lorraine. «La construction en bois de Shigeru Ban ouvre, à l'ère du développement durable, une nouvelle page dans l'histoire architecturale des musées», pense L’Express.
«C'est un grand honneur pour moi, et je dois être prudent. Je dois continuer à écouter les gens avec lesquels je collabore, que ce soit pour mes commandes privées ou dans mon travail pour les victimes de désastres», a réagi l'architecte, cité par la Fondation Hyatt - qui finance ce prix prestigieux - et qui se trouvait à Paris lorsqu'il a appris sa distinction.
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