Japon : les femmes se mobilisent pour pouvoir porter des lunettes au travail
Au Japon, les codes vestimentaires féminins en entreprise sont souvent sexistes. Les femmes ont l’obligation de porter des jupes serrées et des talons hauts.
Après les talons hauts, les lunettes. L'actrice japonaise Yumi Ishikawa dont la campagne contre l'obligation de porter des talons au travail avait été très suivie s'attaque à présent à d'autres codes en entreprise : les cas d'interdiction du port de lunettes pour les femmes. Sa nouvelle pétition, déposée mardi 3 décembre au ministère du Travail, a déjà récolté 31 000 signatures.
Yumi Ishikawa s'était fait connaître en début d'année lorsqu'elle avait lancé sa bataille contre la culture d'entreprise japonaise dans laquelle porter des talons hauts est considéré comme quasiment obligatoire pour les femmes. Sa campagne était baptisée "#KuToo", jeu de mots utilisant le terme "kutsu" (chaussures) et "kutsuu" (douleur). Un néologisme qui a d'ailleurs acquis sa place lundi dans le classement 2019 des mots marquant chaque année écoulée au Japon.
Des règlements sexistes
"La racine du problème, c'est que (certaines entreprises) ont des règlements applicables aux seules femmes telles que l'interdiction des lunettes ou l'obligation d'utiliser des cosmétiques, qui sont excessives", a expliqué Yumi Ishikawa à la presse. "Ces pratiques doivent être revues".
"Les raisons pour lesquelles les femmes ne sont pas censées porter des lunettes ... n'ont vraiment aucun sens. Tout est une question de genre. C'est assez discriminatoire", a déclaré Kumiko Nemoto, professeur de sociologie à l'Université de Kyoto à la BBC (en anglais).
Malgré les critiques, les pouvoirs publics tardent à réagir. En juin, des militants avaient déjà déposé une pétition au gouvernement demandant une loi qualifiant de harcèlement l'exigence de porter des talons hauts. En vain. "Nous avons été choquées de constater qu'il n'y avait aucune mention des talons hauts" dans le projet de règlement du gouvernement rendu public en octobre, a déploré l'actrice.
Une "expression de froideur"
Une jeune femme de 28 ans a rapporté qu'il lui avait été dit de ne pas porter de lunettes, le manuel de son entreprise précisant qu'elles donnaient "au visage une expression de froideur"."Je porte des lunettes depuis plus de 10 ans car je souffre du syndrome de l'œil sec", a-t-elle dit, s'inquiétant d'une aggravation possible de son mal.
Le responsable d'une agence de travail temporaire a aussi confié qu'il recevait "de certaines entreprises des demandes de réceptionnistes s'abstenant de porter des lunettes", une exigence à laquelle s'ajoute souvent l'interdiction de se teinde les cheveux, qui "doivent être noirs".
Au Japon, les inégalités entre les hommes et les femmes restent profondément ancrées. Au total, 30 % des femmes ayant des enfants travaillent, contre 50 % dans les pays de l’OCDE, cite La Croix. Selon un rapport sur la parité entre hommes et femmes publié par le Forum économique mondial, le Japon pointe en 2017 à la 114e place sur 142 États.
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