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Hiroshima, 70 ans après : à Paris, des jeûneurs veulent "libérer la France des armes nucléaires"

Dans l'Hexagone, plusieurs dizaines de militants cessent de s'alimenter du 6 au 9 août, dates anniversaires des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki. Leur objectif : l'abolition des armes nucléaires dans le monde.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Lors d'une cérémonie en mémoire des victimes du bombardement d'Hiroshima et pour l'abolition des armes nucléaires, le 6 août 2015, à Paris. (FRANCOIS PAULETTO / CITIZENSIDE.COM / AFP)

"Russie : 8 000 bombes nucléaires ; Etats-Unis : 7 300 bombes nucléaires ; France : 300 bombes nucléaires ; Chine : 250 bombes ; Royaume-Uni : 225 bombes nucléaires…" Au micro, on égrène d'un ton grave la longue liste des pays disposant de l'arme atomique. Devant l'estrade installée place de la République, à Paris, jeudi 6 août, une petite centaine de personnes assistent à une cérémonie d'hommage aux victimes de la bombe d'Hiroshima, larguée soixante-dix ans plus tôt sur le Japon.

Dans une atmosphère de recueillement, les prises de paroles empreintes d'émotion se succèdent, tandis qu'une musicienne pince les cordes de son koto –un instrument traditionnel japonais– devant des banderoles tricotées en laine multicolore. Au milieu, quatorze personnages immobiles disposés en demi-cercle, costume noir et masque blanc, représentent les pays qui possèdent des têtes nucléaires.

Lors d'une cérémonie en mémoire des victimes du bombardement d'Hiroshima, le 6 août 2015, à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

Quatre jours de jeûne en mémoire des victimes

D'autres portent, accrochée à leurs vêtements, une pancarte "Je suis jeûneur". A Paris, ils sont une soixantaine à cesser de s'alimenter, du 6 au 9 août, dates marquant les explosions des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki, en 1945. Durant quatre jours, ils multiplieront les actions à Paris pour demander l'abolition des armes nucléaires dans le monde, et seront hébergés dans un gymnase mis à disposition par la mairie du 2e arrondissement, dirigée par Europe Ecologie-Les Verts. "J'ai décidé de jeûner pour montrer que l'idée de supprimer les armes nucléaires est toujours d'actualité, témoigne Bruno, 28 ans. L'inaction, c'est être complice. Jeûner est un moyen d'action qui me permet de conserver ma dignité sur ce sujet-là."

Bruno, 28 ans, est l'un des jeûneurs présents place de la République, le 6 août 2015. (ILAN CARO / FRANCETVINFO)

La manifestation se déroule chaque année, mais c'est une première pour Anne, une Allemande de 65 ans qui a fait le déplacement depuis Montpellier, où elle vit désormais. Elle raconte ses années de lutte contre la base de Mutlangen (dans le Land de Bade-Wurtemberg), qui abritait des missiles américains jusque dans les années 1980. Elle se dit surprise de voir, ce jeudi, une place de la République quasi-déserte. "Malheureusement, les gens semblent plus concernés par leurs petits soucis quotidiens que par les vrais problèmes du monde", juge-t-elle.

Anne, une Allemande de 65 ans, est venue de Montpellier pour participer à la commémoration du bombardement d'Hiroshima, le 6 août 2015 à Paris. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

Cette difficulté à mobiliser, les organisateurs de ce rendez-vous en sont conscients. "Dans l'opinion, il n'y a pas de débat sur l'armement nucléaire, déplore Patrice Bouveret, du collectif Armes nucléaires STOP. L'an dernier, l'Assemblée nationale a organisé des auditions sur la dissuasion nucléaire. Sur une trentaine d'intervenants, seulement trois y étaient opposés !" 

"On est en train de s'autodétruire"

"En France, il y a une omerta sur ce sujet", regrette pour sa part Dominique Lalanne, de la Maison de vigilance, une association créée en 1984 à Taverny, une ville du Val-d'Oise qui abritait jusqu'en 2011 la base de commandement de la force nucléaire aéroportée. "Les politiques disent souvent que la dissuasion nucléaire fait partie de notre identité française, comme le fromage ! C'est un message qui est ancré dans les esprits. Il y a là un blocage psychologique, presque spirituel", commente-t-il.

Même si quelques poids lourds, comme l'ex-Premier ministre Michel Rocard ou l'ancien ministre de la Défense Paul Quilès, sont clairement engagés pour en finir avec la dissuasion nucléaire, "c'est dommage qu'ils se prononcent une fois qu'ils ne sont plus aux responsabilités", souligne Dominique Lalanne. Le cas d'Alain Juppé est symptomatique : signataire en 2009 d'une tribune "pour un désarmement mondial, seule réponse à la prolifération anarchique", il déclarait trois ans plus tard, après son passage à la Défense et au Quai d'Orsay, que supprimer la dissuasion nucléaire serait "irresponsable".

Devant ce débat qui ne passionne pas les foules, Marie-Claude, une grand-mère de 79 ans, est anxieuse. "Les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki, c'est un grain de sable par rapport à l'arsenal actuel. On est en train de s'autodétruire." Au moment d'entamer son quatrième jeûne, elle se lamente : "On prépare à nos petits-enfants une planète effrayante."

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