Lutte contre la criminalité : comment fonctionne le système italien du repenti, dont veut s'inspirer Eric Dupond-Moretti ?
Le gouvernement va créer un parquet national dédié à la lutte contre la criminalité organisée, a annoncé le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, dimanche 28 avril, dans La Tribune du Dimanche. Le garde des Sceaux souhaite aussi permettre aux trafiquants de drogue "repentis" de bénéficier de peines réduites et d'un changement d'identité grâce à la création d'un "véritable statut du repenti", inspiré du modèle en vigueur en Italie pour lutter contre la mafia. En France, "une législation en la matière existe déjà mais elle est beaucoup trop restrictive et donc peu efficace", a estimé Eric Dupond-Moretti.
Réduction de peine
En Italie, cela fait plus de 40 ans que le pentito, le repenti italien, est reconnu par la loi. À l'origine destiné aux terroristes des "années de plomb", le statut est appliqué spécifiquement aux mafieux à partir des années 1990. Depuis, les cas de mafiosi qui brisent à la fois l’omerta, le silence, et les liens avec leurs clans, se sont multipliés dans le pays.
Selon la loi italienne, si le criminel condamné ou incarcéré, qu’il soit complice ou auteur de crimes est prêt à collaborer, le statut de "collaborateur de justice" peut lui être accordé. C’est-à-dire qu’en échange d’informations délivrées dans les six mois et qui s’avèrent fiables, nouvelles, complètes et déterminantes pour les enquêtes ou les procès, le repenti peut bénéficier d’une réduction de sa peine. Il doit quand même purger au moins un quart de sa condamnation. Il peut aussi être placé sous protection de l’Etat italien.
Protection pendant six ans
Il s'agit d'une nouvelle vie garantie pour l’ancien mafieux : nouvelle identité, nouveau domicile, et aide à la réinsertion grâce à une sorte d’allocation. C’est le cadre qui a été pensé comme une récompense par le célèbre juge antimafia Giovanni Falcone, pour inciter les chefs mafieux à parler et dénoncer. En moyenne, en Italie, les collaborateurs de justice sont protégés par ce programme pendant environ six années.
Aujourd’hui autour d’un millier de repentis sont pris en charge par les autorités italiennes et avec eux, quelque 5 000 membres de leurs familles. La plupart de ces repentis sont issus de la Camorra, la mafia napolitaine. Leurs témoignages ont permis de démanteler des réseaux : le Sicilien Tommaso Buscetta, traître aux yeux de la Cosa nostra (dont l'histoire a inspiré le film Le Traître de Marco Bellocchio, en 2019), a par exemple été décisif pour des centaines d’arrestations et le maxi-procès de Palerme dans les années 80. Et il n’est visiblement jamais trop tard pour se repentir : il y a un mois, Francesco Schiavone, un fameux parrain napolitain condamné à vie (qui a inspiré la série Gomorra), vient d'accepter de collaborer avec la justice après 26 ans de cellule.
Ce système est efficace, donc, mais critiqué aussi par des familles des victimes de la mafia, choquées de savoir les meurtriers libres et sous protection de l’Etat italien pendant des années.
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