Après la catastrophe de Gênes, un sénateur centriste réclame "un plan Marshall" pour le réseau routier français
Hervé Maurey, sénateur Union centriste de l'Eure, dénonce sur franceinfo les économies qui ont été faites sur le réseau ferroviaire. Il en va de même pour les routes, assure-t-il. Il espère que "le drame qui vient de se produire en Italie constitutera un électrochoc" sur le sujet.
"Il est temps de mettre en place un plan Marshall pour notre réseau routier", a déclaré jeudi 16 août sur franceinfo, Hervé Maurey, sénateur Union centriste de l'Eure. Après l'effondrement d'un pont autoroutier à Gênes (Italie) qui a fait une trentaine de morts mardi, plusieurs responsables politiques appellent notamment à la remise en place de l'écotaxe, impôt censé entrer en vigueur en 2014 pour taxer les véhicules les plus polluants mais finalement abandonné face à la mobilisation des "bonnets rouges".
"Il est urgent de réagir et de mettre les moyens nécessaires si on veut éviter un drame comme celui qui vient de se produire en Italie", a estimé Hervé Maurey, également président de la commission d'aménagement du territoire du Sénat. Selon un récent audit commandé par le gouvernement, un tiers des 12 000 ponts gérés par l'État sur les routes nationales nécessitent des travaux et 7% d'entre eux présentent même un risque d'effondrement à terme. "On n'est pas du tout à l'abri d'une catastrophe", affirme Hervé Maurey.
franceinfo : Êtes-vous pour le rétablissement de l'écotaxe ?
Hervé Maurey : C'est une approche très française de commencer par dire il faut créer un nouvel impôt. Il y a des crédits qui normalement doivent aller aux routes et qui, aujourd'hui, ne vont pas aux routes. Quand on a supprimé l'écotaxe avant même de la mettre en place, on a augmenté la taxe sur l'essence pour financer les routes mais une partie seulement de cette recette supplémentaire a été allouée aux routes. Une partie seulement des recettes des radars vont aux routes alors que, normalement, les recettes des radars devraient aller à l'entretien des routes. Avant de dire Créons une nouvelle taxe, il faudrait utiliser les crédits qui ont été fléchés pour les routes pour les entretenir réellement. On voit bien qu'il y a une urgence aujourd'hui. (...) Je ne suis pas contre l'idée de dire que c'est aux usagers, notamment aux poids lourds qui dégradent les routes, de payer une partie de cette dégradation mais le problème n'est pas là. Ça fait des années que l'État et les départements - notamment à cause de la baisse des dotations de l'État - font des économies sur l'entretien des routes. Au Sénat, nous avons alerté depuis un certain temps les pouvoirs publics parce que, si on ne réagit pas, on va se trouver dans la même situation qu'en matière ferroviaire. On sait très bien qu'on a un réseau ferroviaire dramatiquement mal entretenu parce que, pendant des années, on a fait des économies sur cet entretien. Aujourd'hui, il se passe exactement la même chose sur les routes. (...) Il risque de se passer ce qu'il vient de se passer en Italie. (...) Si on ne réagit pas très vite sur la question de l'entretien du réseau routier (...) on n'est pas du tout à l'abri d'une catastrophe.
En France, il y a 200 000 ponts en service qui vont nécessiter de plus en plus de maintenance en vieillissant. Quel budget faut-il allouer à cette surveillance ?
Le conseil d'orientation des infrastructures, dont je fais partie, a remis au gouvernement un rapport au mois de février, avec plusieurs scénarios, pour une programmation pluri-annuelle de crédits. On attend les arbitrages de l'État et on espère qu'ils ne devraient pas tarder. Je rejoins tout à fait sur ce point le gouvernement quand il dit - mais il ne suffit pas de dire, il faut faire - que la priorité c'est la régénération du réseau, que ce soit le réseau ferroviaire, le réseau routier ou le réseau fluvial. (...) Pendant des années, on a sacrifié l'entretien des infrastructures et maintenant on voit bien qu'il est urgent de réagir et de mettre les moyens nécessaires si on veut éviter un drame comme celui qui vient de se produire en Italie. Ce n'est qu'une fois qu'on aura dégagé les priorités, les budgets et les moyens qu'on verra s'il faut ou non rajouter des recettes.
L'enveloppe allouée aujourd'hui à l'entretien du réseau national, qui n'est pas géré par les concessions privées, est de 800 millions d'euros selon le budget 2018. Qu'en pensez-vous ?
Cette enveloppe est tout à fait insuffisante. On sait que l'écotaxe devait rapporter 1 milliard d'euros par an. (...) A force de diminuer les crédits, il arrive un moment où on est dans cette situation. On sait très bien que quand on n'investit pas un euros en année "n", on risque de devoir mettre 10 euros 10 ans plus tard. Plus on tarde à entretenir, plus il faut mettre des sommes proportionnellement importantes par la suite. Il est vraiment urgent que le gouvernement réagisse. J'espère que le drame qui vient de se produire en Italie constitutera un électrochoc sur ce sujet parce que, malheureusement, en France il faut souvent qu'il y ait des catastrophes pour qu'on mette enfin les moyens nécessaires. On a vu ça quand il y a eu des accidents à des passages à niveau : il y a eu des crédits qui ont été mis pour en supprimer un certain nombre. On a vu ça aussi à une époque après des accidents dans des tunnels. J'espère que ce drame aura au moins le mérite de conduire à ce que, très vite, quand le gouvernement sera sorti de sa torpeur estivale - parce que pour l'instant on n'a pas eu de réaction forte du gouvernement français - il annoncera qu'il est temps de mettre en place un plan Marshall pour notre réseau routier.
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