Crise politique en Italie : "Il y a énormément de recompositions en cours, y compris à l'intérieur des partis eux-mêmes"
Matteo Salvini, leader de la Ligue, a fait éclater la coalition formée il y a quatorze mois avec le Mouvement 5 étoiles.
Le chef de la Ligue et ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, a rompu la coalition entre son parti et le Mouvement 5 étoiles (M5S) et déposé une motion de censure contre le gouvernement. Il réclame des élections anticipées. "Il y a énormément de recompositions en cours, y compris à l'intérieur des partis eux-mêmes, qui sont en train de se scinder sur la question des alliances", a observé lundi 12 août sur franceinfo Ludmila Acone, historienne spécialiste de l'Italie contemporaine et chercheuse associée à l'université Paris I-Panthéon Sorbonne.
franceinfo : Matteo Salvini est-il sur le point de réussir son coup de force ?
Ludmila Acone : Il tente de réussir son coup de force parce que c'est dans son intérêt, dans tous les domaines. Matteo Salvini a des désaccords très importants avec le Mouvement 5 étoiles. Il n'arrive pas à obtenir ce qu'il voulait, notamment sur la question des autonomies et de la taxe plate, la flat tax, qu'il voulait absolument obtenir lors de cette législature.
Nous ne savons pas si le gouvernement va effectivement tomber, car c'est le président Sergio Mattarella qui peut dissoudre les chambres. Ce qui est clair, c'est qu'il y a un axe autour de Matteo Salvini et des pays de Visegrád, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, avec un certain nombre de souverainistes dans le monde entier, qui ont tendance à vouloir regarder dans une autre direction.
Il y a énormément de recomposition en cours en Italie, y compris à l'intérieur des partis eux-mêmes, qui sont en train de se scinder sur la question des alliances. Le parti démocrate en ce moment est coupé en deux, entre ceux qui sont en faveur des élections et ceux qui au contraire voudraient les retarder. De nombreuses questions sont en jeu et vont avoir des conséquences à très court terme et à long terme.
Quand on entend l'ancien Premier ministre Matteo Renzi dire qu'il faut soutenir un gouvernement institutionnel pour faire face à ce coup de force, est-ce que cela a des chances de marcher ?
C'est précisément sur cela que le parti démocrate se divise en ce moment. Son secrétaire Nicola Zingaretti ne veut pas de cet accord, c'est du moins la déclaration qu'il a faite récemment. Est-ce qu'il va changer d'avis ? Nous ne le savons pas. Mais Matteo Renzi est revenu dans l'arène avec l'idée de faire ce qu'il a appelé le "parti du président", sous la houlette de Sergio Mattarella, qui a un prestige extrêmement important, pour pouvoir régler cette situation et pour éviter les élections anticipées ou du moins les retarder.
La brusque rupture de l'alliance avec Matteo Salvini signe-t-elle la fin du mouvement du Mouvement 5 étoiles ?
Je ne pense pas, parce que la main tendue de Matteo Renzi pour des coalitions plus larges s'adresse aussi au Mouvement 5 étoiles, qui à son tour a fait un geste en disant clairement qu'il était prêt à faire un gouvernement contre les dérives souverainistes et extrêmes. Beppe Grillo, l'un des fondateurs du Mouvement 5 étoiles, a dit lui-même qu'il ne faut pas faire les élections et arrêter les "barbares".
Les partenaires européens peuvent-ils jouer un rôle dans cette crise ?
Absolument. Ils peuvent jouer un rôle, tout d'abord car ils sont inquiets de l'instabilité à la fois économique et politique que cette crise représente. Ils peuvent également avoir une crainte par rapport au changement d'axe et de direction de la communauté européenne et des affaires européennes, dans la mesure où Matteo Salvini regarde plutôt vers Orbán et les pays de Visegrád. Le Mouvement 5 étoiles a, lui, voté en faveur de la commissaire européenne Ursula von der Leyen, ce qui n'a pas plu à Salvini. C'est l'une des questions de désaccord majeures entre les deux partis.
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