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Les Palestiniens enterrent la journaliste vedette Shireen Abu Akleh : "Elle disait toujours la vérité et elle l'a payé du prix de sa vie"

Dans des obsèques sous très forte tension, émaillés de violences de la police israélienne, les Palestiniens ont enterré la journaliste Shireen Abu Akleh, leur "voix de la liberté".

Article rédigé par franceinfo - Frédéric Métézeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La foule a été matraquée par la police israélienne au moment de la sortie du cercueil de l'hôpital Saint-Joseph de Jérusalem. (ILIA YEFIMOVICH / DPA)

La scène est aussi inouïe qu'inimaginable : une charge de la police sur une foule portant un cercueil à la sortie d'un hôpital. La scène a pourtant eu lieu, vendredi 13 mai, lors des obsèques de la journaliste Shireen Abu Akleh, tuée d'une balle dans la tête mercredi en Cisjordanie alors qu'elle couvrait un raid israélien.

>> Ce que l'on sait de la mort d'une journaliste d'Al-Jazeera lors d'une opération de l'armée israélienne

Comme souvent lors des grandes manifestations, Jérusalem est quadrillée pour l'occasion. Le dispositif policier est important avec des barrières, des chevaux, des véhicules mais également un hélicoptère. À 14h, à la sortie de l'hôpital Saint-Joseph dans le quartier palestinien de Beit Hanina, la police israélienne charge la foule et matraque les porteurs du cercueil, qui manque de tomber au sol. 

"Ils nous ont bloqué avec leurs chevaux et leurs lacrymogènes", raconte quelques minutes après la charge Houda Imam, activiste bien connue à Jérusalem. Shireen nous représentait tous. Elle était dans chaque maison, dans chaque quartier, dans chaque camp de réfugiés.

"Toute la Palestine fait le deuil de Shireen. Je n'ai pas connu ça depuis les obsèques de Yasser Arafat."

Houda Imam, activiste israélienne

à franceinfo

Le cercueil et la foule ont eu du mal à arriver jusqu'à la vieille ville. À ce moment-là, il fait environ 30 degrés et les esprits s'échauffent. Même si les policiers se tiennent loin de l'église la foule est triste et en colère. Les drapeaux palestiniens et les keffiehs sont levés.

Une charge de la police israélienne a eu lieu en direction des Palestiniens venus pour les obsèques.  (FREDERIC METEZEAU / RADIOFRANCE)

"Les Palestiniens présents sont venus lui dire 'merci' pour ce qu'elle a fait", explique Michel, présent pour les obsèques. "Je suis palestinien avant tout, puis chrétien. 99% des gens présents sont des palestiniens musulmans. Elle disait la vérité, toujours la vérité, et elle l'a payé du prix de sa vie. Les journalistes sont des cibles, il faut faire attention."

La journaliste enterrée aux côtés de ses parents 

Dans cette atmosphère triste et tendue, une femme a du mal à retenir ses larmes. Il s'agit de la députée arabe communiste et féministe Aida Touma-Suleiman : "Tous les gens libres autour du monde sont tristes. Nous sommes venus témoigner notre respect à une voix qu'elle voulait faire entendre : celle de la lutte palestinienne pour la liberté."

Shireen Abu Akleh repose désormais au cimetière chrétien du Mont Sion, aux côtés de ses parents. 

Des milliers de Palestiniens ont enterré à Jérusalem Shireen Abu Akleh, l'une de leurs journalistes vedettes tuée au cours d'une opération israélienne, le 13 mai 2022. (FREDERIC METEZEAU / RADIO FRANCE)

L'enquête ne progresse pas 

Dans le même temps, aucune avancée n'est significative dans l'enquête sur la mort de la journaliste. Cette absence d'avancée profite aux complots et aux invectives qui prospèrent sur les réseaux sociaux. L'armée israélienne estime qu'il est impossible de savoir qui a tiré sur la journaliste. 

L'autorité palestinienne, quant à elle, refuse de participer à une enquête conjointe avec Israël. Elle refuse de fait de transmettre la balle qui a frappé Shireen Abu Akleh. En réalité, l'enquête est même passée au second plan devant la violence symbolique des images de la police israélienne frappant les porteurs du cercueil. Dans une déclaration, cette même police israélienne assure qu'elle a du recourir à la force car il y avait assure-t-elle : "Des chants nationalistes qui incitaient à la haine ainsi que des jets de pierre." L'impact est terrible pour Israël. Ces images ont été filmées par les chaînes de télévision du monde entier. 

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