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L’Iran, un pays riche mais en trompe-l’œil
Avec ses gisements pétroliers et gaziers, l’Iran est un pays très riche en hydrocarbures. Mais dix ans de sanctions internationales ont mis son économie à genoux. Leur levée après l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire devrait permettre le retour de 28 milliards de dollars d’avoir gelés, mais sans garantie de redressement d’un système gangrené par des rivalités politiques et religieuses.
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Assis sur 9% des réserves mondiales de pétrole et 18% des réserves mondiales de Gaz, l’Iran est indéniablement un pays riche en ressources énergétiques.
Mais dix années de sanctions et d’embargo en raison de son programme nucléaire, ajoutées aux dépenses considérables en soutien au régime syrien, au mouvement du Hezbollah libanais et plus récemment à la rébellion houthie au Yémen, ont sérieusement grevé son économie.
Les avoirs iraniens gelés à l'étranger revus à la baisse
Résultat: dix millions de chômeurs sur une population de 80 millions, dont 70% en zone urbaine, que le gouvernement doit s'efforcer de résorber après l'accord intervenu avec les puissances mondiales sur son programme nucléaire .
De l’aveu même du président Rohani, «les sanctions n’existent plus, mais il y a encore un long chemin jusqu’au développement économique. Aujourd’hui, nos principaux problèmes sont le chômage et la récession», a-t-il prévenu.
En effet, le chiffre communément répandu de 100 milliards de dollars d’avoirs bloqués dans les banques internationales à dégeler a été revu à la baisse. Seuls «32 milliards seront libérés» selon Valiollah Seif, président de la banque centrale.
Et d’après les termes de l’accord sur le nucléaire, la levée de l’intégralité des sanctions sera échelonnée sur dix ans, avec le risque de les voir rétablies en cas de manquement de respect par Téhéran à ses engagements.
Le régime a augmenté la production pétrolière malgré le bas prix du brut
Pour relancer la machine économique, à 80% publique, et développer des secteurs qui rendraient le pays moins dépendant du pétrole, le régime a ordonné l’augmentation de la production pétrolière de 500.000 barils par jour.
Un placebo dans un contexte de surproduction et de chute du prix du baril à moins de 30 dollars, mais obligatoire selon Rokneddine Javadi, chef de l’organisation nationale iranienne du pétrole (NIOC).
«Si l’Iran n’augmente pas sa production, a-t-il expliqué, les pays voisins pourraient augmenter la leur d’ici six mois à un an et prendre les parts du marché iranien.»
Des conflits d’intérêts qui minent le pouvoir iranien
Une manne qui reste insuffisante pour revitaliser un système nécessitant également des réformes structurelles en profondeurs, selon le FMI, pour éviter les problèmes d’une croissance économique négative (-0,6%), et un taux d’inflation élevé (aux alentours de 14%).
Par ailleurs, les efforts déployés par le président Rohani, avec l’appui du Guide suprême Ali Khamenei, pour obtenir la levée des sanctions et favoriser les investissements étrangers, risquent d’accentuer les conflits d’intérêts qui minent le pouvoir iranien.
Les privatisations, approuvées elles aussi par le Guide, «ont surtout profité au corps des Gardiens de la révolution, aux forces de sécurité de l’Etat et à des fondations financières et commerciales sous le contrôle du Guide suprême», selon l’écrivain-documentariste Bertrand Delais, auteur de l’ouvrage L’étrange Monsieur Rohani.
La mainmise du Guide suprême et des Gardiens de la révolution sur l'économie
«Une privatisation en trompe-l’œil, écrit encore Bertrand Delais, qui a eu pour seul effet de permettre à Khamenei et aux gardiens de la révolution d’asseoir et d’élargir leur mainmise sur l’économie, poussant le secteur privé vers l’extinction.»
Dans un pays où une majorité de la population vit dans la pauvreté, où la classe moyenne connaît une forte érosion et où corruption et détournement de fonds sont monnaie courante, l’arrivée d’argent frais et d’investissements étrangers va très vite devenir l’enjeu des traditionnelles luttes de factions entre durs et modérés contrôlés par le Guide.
Une lutte dans laquelle le président Rohani pourrait être tenté de limiter, par des réformes, la puissance économique de ses adversaires, mais de laquelle il pourrait sortir politiquement perdant aux législatives du 26 février.
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