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Le président Hassan Rohani, vitrine modérée d’un régime autoritaire
Les attaques terroristes à Paris ont eu, entre autres conséquences, l’annulation de la première visite d’un président iranien en France depuis 16 ans. Toutefois, le principe du déplacement de Hassan Rohani, rendu possible par l’accord sur le nucléaire iranien et l’indispensable aval du guide suprême iranien, a révélé une fonction présidentielle sous tutelle, à marge de manœuvre réduite.
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Fort de l’accord de Vienne du 14 juillet 2015 sur le nucléaire iranien, le président Hassan Rohani devait effectuer une tournée européenne, la première d’un président iranien depuis 1999, en Italie et en France.
Les attaques terroristes meurtrières du vendredi 13 novembre 2015 à Paris ont bouleversé le calendrier. Hassan Rohani les a qualifiées de «crimes contre l’humanité» et reporté son déplacement sans précision de date.
Cinq jours pourtant avant ce rendez-vous finalement manqué, Hassan Rohani avait accordé un entretien à France 2 pour définir les contours de son déplacement.
Hormis l’annonce de l’intention de la République islamique d’acquérir des appareils Airbus et de sa détermination à «honorer ses engagements dans le cadre de l’accord nucléaire», le président «modéré», par opposition à son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad, n’avait pas pu lors de cet entretien conforter cette image.
Pour Hassan Rohani, la Syrie a besoin d'un pouvoir fort contre le terrorisme
Sur l’avenir de Bachar al-Assad et son régime, que Téhéran soutient à bout de bras, il a estimé que c’était au peuple syrien d’en décider, précisant toutefois que ce dernier avait «besoin d’un pouvoir fort pour lutter contre le terrorisme».
Sur le conflit proche-oriental il a déclaré que «l’Etat actuel d’Israël n’est pas légitime». Pour lui, il ne doit y avoir qu’un seul Etat et «toutes les personnes originaires de la Palestine, telle qu’elle était dans ses frontières d’avant 1948, doivent se réunir et voter et l’Iran sera d’accord avec le résultat».
Une manière pour lui de confirmer qu’il restait dans la ligne définie par le Guide suprême Ali Khamenei. «Que l'accord soit validé ou non, avait affirmé ce dernier pour la fin du Ramadan, nous n'allons pas cesser de soutenir nos amis dans la région et les peuples de Palestine, du Yemen, de Syrie d'Irak, du Bahrein et du Liban. Même après cet accord, notre politique à l'égard des Etats-unis, ce pays arrogant, ne va pas changer.»
Respect donc de l'accord sur le nucléaire, pour alléger les sanctions et permettre à l’économie du pays de reprendre son souffle, mais pas «d'infiltration politique et culturelle» du «grand satan» américain en Iran.
Elu avec les voix des réformateurs, mais pas sans l'aval du Guide
Elu dès le première tour lors du scrutin présidentiel de 2013, Hassan Rohani avait certes bénéficié à l’époque du ralliement de dirigeants réformateurs tels que les anciens présidents Mohamed Khatami et Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, ainsi que des voix d’une jeunesse réclamant plus d’ouverture et de liberté.
Mais sans l’aval de l’ayatollah Ali Khamenei, clé de voûte du système de «l’infaillibilité du guide» en vigueur dans le pays, il n’aurait jamais pu accéder à cette fonction. Jouant l’alternance après les deux mandats confiés à Mahmoud Ahmadinejad, dont un contesté dans la rue en 2009 pour fraude, le guide avait décidé de doter le pays d’une vitrine plus modérée.
Rohani, un pur produit de la révolution khomeyniste
Pourtant, l’hodjatoleslam (titre intermédiaire dans le clergé chiite) Rohani, qui vient de fêter ses 67 ans, reste un pur produit de la révolution khomeyniste de 1979.
Elu au Majlis (parlement) en 1980, il restera député durant 20 ans. Membre du Conseil suprême de la défense durant les huit années de guerre avec l’Irak, il a été également commandant des forces aériennes de 1986 à 1991.
Secrétaire général du Conseil suprême de Sécurité nationale pendant 16 ans, il occupera le poste clé de négociateur en chef sur le dossier nucléaire avant de se présenter enfin à l’élection présidentielle.
Si ses promesses de réformes, qu’il n’a pu vraiment tenir, lui ont permis de faire le plein des voix réformatrices, son engagement à geler l’enrichissement d’uranium, pour parvenir à un règlement du contentieux sur le programme nucléaire avec la communauté internationale, lui vaudra la méfiance des conservateurs.
Méfiance et hostilités des conservateurs
Ces derniers ont même relancé dernièrement les hostilités contre lui. Les services de renseignement des Gardiens de la révolution, qui échappent à son autorité, ont confirmé le 3 novembre 2015 l’arrestation pour espionnage au profit des Etats-Unis de Nizar Zakka. Un ressortissant «libano-américain», spécialiste des technologies de l’information, pourtant invité par la vice-présidente iranienne.
Le jour même, cinq journalistes proches des réformateurs étaient arrêtés, toujours par les Gardiens de la révolution proches du Guide. Ils sont accusés d’être infiltrés dans la presse et les réseaux sociaux iraniens pour préparer le terrain au retour officiel des américains en Iran. Une perspective fermement rejetée par Ali Khamenei lui-même.
Enfin, un homme d’affaires et consultant «irano-américain» vivant à Dubaï est en état d'arrestation, lui aussi «pour espionnage», depuis le 14 octobre 2015. Ce qui porte à quatre le nombre d’Iraniens d’origine américaine détenus en Iran.
Même si le président Rohani a critiqué ces arrestations et ceux qui «abusent» des propos du Guide pour «servir leurs propres intérêts», ces arrestations n’en sont pas moins révélatrices de la limitation de sa marge de manœuvre.
Plus encore, elles constituent un véritable défi à son autorité, à quelques mois des élections législatives, prévues en février 2016.
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