"Je suis macédonien et je veux le rester" : avant le référendum sur le changement de nom, la société macédonienne fracturée
Les Macédoniens diront dimanche par référendum s'ils acceptent de devenir citoyens de la "Macédoine du nord", un nouveau nom qui solderait un vieux conflit avec la Grèce et les rapprocherait de l'Union européenne. Les camps du oui et du non semblent irréconciliables.
La Macédoine garde la mémoire vive des violences qui l’ont déchirée il n’y a pas vingt ans, en 2001, lors d’affrontement avec la communauté albanaise. Si le veto grec à s'appeler "Macédoine" leur ferme les portes tant de l'Otan que de l'Union européenne, la droite nationaliste reste sur sa position et refuse le changement de nom. La question du nom a ouvert de nouvelles lignes de fracture : ce n’est plus une division ethnique, elle passe au travers de la communauté macédonienne.
De chaque côté, alors que les citoyens se prononcent dimanche 30 septembre par référendum pour dire s'ils acceptent de devenir citoyens de la "Macédoine du nord", les arguments sont sans appels. "Mes grands-parents, mes aïeux sont macédoniens, mes racines sont macédoniennes, je suis macédonien et je veux que mes enfants restent macédoniens, explique Zoran, patron de casino, qui boudera le référendum. Je ne vois pas pourquoi je devrais devenir macédonien du nord, du sud, de l'est ou de l'ouest. C'est simple : je suis macédonien et je veux le rester."
A l'inverse, Filip, un jeune étudiant, ira voter. "Nous devons dépasser les querelles du nom qui nous empoisonnent depuis 27 ans", estime-t-il, exaspéré par les références à l’antiquité qui peuplent le discours nationaliste.
On a perdu tellement de temps à parler d'histoire ! Je pense qu'il est temps de faire l'histoire. Et d'appartenir à un ensemble qui aura du sens dans l'avenir.
Filip, étudiantà franceinfo
"Ce vote, poursuit l’étudiant, ce n'est pas juste pour nous, c'est pour tant de générations à venir. Et pour les générations futures, pour mes enfants ou petits-enfants, la question ne sera pas de savoir s'ils sont d'origine slave ou descendent d'Alexandre le Grand". Ce qui comptera, dit Filip, "c'est que leur vie soit correcte, qu'ils puissent vivre dans une démocratie. Concentrons-nous sur ce que nous avons le pouvoir de changer. Et changeons ce pays miné par la corruption", ajoute cette jeune femme, titulaire d’un master de sciences, mais qui végète aujourd’hui comme vendeuse. "J’estime qu’il est très difficile de trouver du travail ici en restant fidèle à ses principes, soupire-t-elle. Cela suppose de trouver des relations, du piston, ou on doit prendre la carte du parti."
Le chômage et l'exil des jeunes en toile de fond
Le taux de chômage dépasse les 20% en Macédoine. Il est deux fois plus élevé chez les jeunes, lesquels s’exilent en masse. Les jeunes partisans du oui veulent construire leur avenir dans leur pays, éloigner le spectre de la guerre en intégrant la protection de l’Otan, rompre avec l’isolement. "Faut-il pour cela changer le nom qui nous définit parce que la Grèce l’exige ?", s’interroge Veneta, une historienne hostile à l’accord. Deux discours qui ne se rencontrent guère. Le sujet est tabou en famille et entre amis, dans une région où la question de l’identité reste extrêmement sensible et en débattre réveille de trop mauvais souvenirs.
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