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Grèce : les clés pour comprendre le bras de fer avec l'Union européenne

Après sa victoire aux élections, le gouvernement d'Alexis Tsipras a annoncé plusieurs mesures sociales dont le financement risque d'être compliqué. Les négociations avec ses partenaires s'annoncent âpres.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
A Athènes (Grèce), des manifestants tiennent une pancarte "Keep calm and go to hell" (Gardez votre calme et allez en enfer) adressée au FMI, à l'UE et à la Banque centrale européenne, après la victoire du parti de gauche radicale Syriza, le 25 août 2015. (MICHAEL KAPPELER / DPA)

Le nouveau gouvernement grec du Premier ministre Alexis Tsipras se met au travail. Dès le premier Conseil des ministres, le 28 janvier, il a procédé à une série d'annonces tirées du programme très à gauche du parti Syriza, affolant la Bourse d'Athènes. Dans ce contexte tendu, la Grèce voit défiler sur son sol les principaux dirigeants européens, venus préparer le terrain à une négociation.

Vendredi 30 janvier, c'est au tour de Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe (qui réunit les ministres des Finances de la zone euro), de faire le déplacement. Alexis Tsipras s'attend à des discussions "cruciales" pour l'avenir de son pays et donne l'impression de vouloir s'engager dans un bras de fer. Francetv info vous explique les dangers de la négociation qui s'ouvre. 

Un programme en forme de défi

Le gouvernement grec a voulu rapidement donner des gages à ses électeurs. Il a ainsi annoncé une série de mesures sociales et économiques. La plupart ont pour but de relever le niveau de vie de la population : augmentation du salaire minimum à 751 euros (580 actuellement), 13e mois pour les retraites de moins de 700 euros, retour de la pension de 300 euros pour les retraités non assurés ou encore relèvement du seuil annuel de revenus imposables. Le gouvernement a également promis de nouvelles embauches de fonctionnaires et l'arrêt de deux privatisations en cours, celle du port du Pirée et celle de la compagnie nationale d'électricité. 

Un programme dont le coût est évalué par Syriza à environ 12 milliards d'euros. Pour le financer, le gouvernement grec compte sur les transferts de fonds européens à hauteur de 6 milliards et sur les recettes tirées de la lutte contre la fraude fiscale pour 3 milliards d'euros. "Au final, il ne nous resterait que 3 milliards d’euros à trouver, ce qui ne me semble pas insurmontable", indique au Monde l’économiste Georges Stathakis, qui a participé au projet économique de Syriza. "La Grèce n’a pas les moyens de financer ce projet si elle va au bout de ce programme car cela repose sur beaucoup de recettes hypothétiques", rétorque Jésus Castillo, analyste chez Natixis, contacté par francetv info. Pour mettre en place ce programme, il faudrait que les partenaires européens de la Grèce acceptent d'assouplir les règles. Ce qui ne semble pas à l'ordre du jour.

Des négociations qui s'annoncent épineuses 

Le gouvernement grec semble décidé à engager un bras de fer avec ses partenaires européens pour mettre en place sa politique. Les changements décidés par le nouveau gouvernement d'Alexis Tsipras "ne doivent pas se faire au détriment" des autres Européens, a déclaré avec fermeté le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a également haussé le ton, dans Le Figaro. "Il n'est pas question de supprimer la dette grecque (...). Alexis Tsipras jure que la Grèce n'acceptera plus l'austérité. Les pays de l'euro répondent qu'il n'y aura plus de crédits si la Grèce s'affranchit de ses engagements."

L'UE doit verser fin février à la Grèce les 7 derniers milliards d'euros de son plan d'aide, à la condition expresse que les réformes en cours aient abouti et que la Grèce observe un régime budgétaire strict. Du coup, les experts de la Troïka (l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) observent attentivement la situation. Mais pour Gregory Claeys, économiste de l'institut Bruegel interrogé par francetv info, l'Europe a les moyens, sans supprimer la dette, de redonner des marges de manœuvre à la Grèce : "La Troïka demande 4,5% d'excédent budgétaire à la Grèce alors que, par exemple, cette année, 2,6% suffiraient au pays pour rembourser ses créditeurs." 

"Les partenaires européens ont également la possibilité de supprimer le léger profit réalisé à travers les prêts accordés aux Grecs ou d'allonger encore un peu la durée des prêts", enchaîne Gregory Claeys. Des mesures qui ne coûteraient rien aux créanciers européens, selon l'économiste, mais qui permettraient de redonner au gouvernement grec "plus de souplesse et de la souveraineté économique", bref de "la marge de manœuvre". Pour convaincre une Allemagne réticente "enfermée dans une logique d'austérité", Gregory Claeys espère que François Hollande va s'engager dans une offensive en compagnie du président du Conseil italien, Matteo Renzi, pour imposer une négociation constructive avec les Grecs. 

Le spectre de la faillite et de la sortie de l'euro

Si la Grèce ne parvient pas à s'entendre avec ses partenaires européens, le pire est à craindre, selon les économistes. Un défaut de paiement "aurait des conséquences incalculables pour l'ensemble de la zone euro, s'inquiète l'analyste Jésus Castillo. Cela signifierait renoncer aux 200 milliards d'euros de dettes… Difficile de prévoir la réaction des marchés, la confiance des investisseurs pour toute la zone euro." Effectivement, après les annonces du gouvernement grec, mercredi, les marchés ont déjà montré des signes d'inquiétude. 

Concernant une sortie de la zone euro, qu'elle soit sèche ou concertée, elle enfoncerait la Grèce dans la crise et enverrait un mauvais signal au reste de l'Europe. "En théorie, l'adoption de la monnaie unique est un aller simple", rappelle Jésus Castillo. "Sans compter que cela viendrait crédibiliser les thèses de Marine Le Pen sur une sortie de l'euro", ajoute Gregory Claeys. Autant de scénarios qui obligent les dirigeants européens à prendre leurs responsabilités. Jésus Castillo se veut rassurant : "Si pour l'instant on ne voit pas comment la négociation peut avancer, l'expérience de la crise grecque a montré que des solutions sont toujours trouvées in extremis."

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