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D.Plihon: «Un échec sur la dette grecque relancerait la crise de la zone euro»
Le dialogue de sourds se poursuit entre Athènes et ses créanciers (FMI, BCE et Bruxelles). La hausse de la TVA et la réforme des retraites sont les deux points de blocage de ce bras de fer qui laisse craindre un défaut de paiement d'Athènes dans les semaines à venir. Pour l’économiste Dominique Plihon, la zone euro entrerait alors dans une zone dangereuse.
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Quelles conséquences aurait un défaut grec sur la dette?
Un défaut de paiement de la Grèce pourrait déboucher sur le refus de la Banque centrale européenne d’apporter des liquidités aux banques grecques. Cela peut provoquer une panique des épargnants et un effondrement bancaire. Avec des conséquences sur la zone euro.
Le Portugal, l’Espagne voire l’Italie sont toujours dans une situation économique fragile, avec un chômage de masse. Les taux d’intérêts peuvent monter et casser la fragile reprise économique de ces pays.
Il y a eu des précédents de défaut de paiement. En Amérique latine, le plan Brady avait permis de sortir de la crise de la dette. Mais en Europe, on semble incapable de proposer un plan d’envergure, alors que la dette grecque c’est une toute petite partie des dettes de la zone euro.
315 milliard d’euros... Comment la Grèce a-t-elle accumulé une telle dette?
Comme le montre l’économiste Michel Husson, la dette grecque vient d’abord de l’évasion fiscale. Les armateurs, les classes aisées, les professions libérales, l’Eglise orthodoxe, échappent en grande partie à l’impôt, soit un tiers de l’activité (du PIB grec). L’autre facteur, ce sont des taux d’intérêts trop lourds qui font gonfler la dette. Les politiques d’austérité ont fait chuter l’activité économique faisant passer l’endettement de la Grèce de 120% à 170% du PIB. Ces politiques visant à stabiliser la dette grecque ont totalement échoué.
Ce possible défaut de paiement peut-il déboucher sur une sortie de l’Euro?
Un scénario de sortie de l’euro me semble peu probable. Cela reviendrait à une forte dévaluation avec des effets négatifs à court terme, notamment une inflation importée. Pour réussir une dévaluation, il faut une politique de contrôle des salaires, une politique d’austérité. Par ailleurs, ni l’agriculture, ni l’industrie grecque ne semblent en mesure de profiter de cette dévaluation. La charge de la dette en euros ne serait pas réduite, bien au contraire.
D’ailleurs, pour le moment, les Grecs ne veulent pas sortir de l’euro, sauf si on les y oblige. Il n’y a d’ailleurs aucun dispositif dans les traités qui prévoit un tel scénario. Ce serait aux Européens d’exclure la Grèce. C’est un signal très dangereux : l’Europe ne serait plus un ensemble intégré.
N’est-ce-pas une partie de Poker menteur?
Sans doute, jusqu'au dernier moment, on fait monter les enchères, mais les deux parties ont intérêt à un compromis. Le problème, c’est que le parti Syriza s’est fait élire sur le refus de l’austérité et on lui demande d’appliquer le contraire de son programme. Alexis Tsipras a déjà fait des concessions, mais il peut difficilement aller plus loin.
La fermeté vis-à-vis de la Grèce est à mon sens avant tout politique. Les gouvernements européens ont peur d’un effet de contagion. Il y a des mouvements comme Podemos en Espagne, ou Cinque Stelle en Italie. Le refus de l’austérité par la Grèce serait un précédent. Les gouvernements allemands et français ne veulent pas d’une victoire politique de Syriza, qui pourrait faire des émules.
N’est-ce pas un révélateur de la fragilité de la zone euro?
C’est un mauvais signal sur l’avenir de l’Europe, incapable de résoudre ses problèmes en Interne. Le danger, c’est que L’Euro apparaît tel qu’il est, une construction fragile. Ou bien on réforme en profondeur la zone euro, avec une politique budgétaire et une fiscalité communes, une dette mutualisée et un minimum de solidarité. Ou bien l’Europe risque d’aller de crise en crise.
Qu’est ce qui manque à la zone euro?
Il manque une union politique. Que les dirigeants de l’Europe soient élus par l’ensemble des Européens. Il manque une harmonisation fiscale, un budget européen plus important. 1% actuellement alors que le budget fédéral des Etats-Unis est de 20% du PIB.
Il faudrait plus des transferts, de redistribution entre régions européennes. Une Europe non solidaire n’est pas viable. Gouvernée par des pays créanciers qui veulent maintenir une pression très forte sur les pays débiteurs, cela ne peut que mal se terminer sur les plans politique et économique. Malheureusement, c’est le scénario qui est en train de se dessiner et c’est dangereux. L’Allemagne est pourtant le pays qui profite le plus de la zone euro, avec des exportations considérables. Affaiblir la zone euro, ce n’est pas un bon calcul. C’est une vision de court terme, très inquiétante.
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