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Gaza : "On peut se demander ce qu'on est en train de mettre dans le coeur de ces enfants"

Vous les avez peut-être entendus sur notre antenne, ou lu leurs reportages sur notre site ou bien encore visionné leurs vidéos. Nos envoyés spéciaux à Gaza Mathilde Lemaire et Benjamin Chauvin vous font partager leur quotidien après deux semaines de reportage au coeur de ce conflit : leur travail en Israël, l'omniprésence discrète du Hamas à Gaza et le drame des enfants, marqués à vie.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Des enfants palestiniens réfugiés dans une école de l'ONU à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza © REUTERS/Finbarr O'Reilly)

Depuis deux semaines, nos reporters Mathilde Lemaire et Benjamin Chauvin arpentent la bande de gaza pour témoigner du conflit avec Israël qui a fait près de 1.400 morts côté palestinien depuis le 8 juillet. L'une comme rédactrice, l'autre comme technicien de reportage, ils vous informent du quotidien et des gazaouis à travers des reportages radio, des photos et des vidéos.

Au point de passage d'Erez, ils quittent la bande de Gaza, où un autre de nos reporters se prépare à entrer. Ils vous racontent ici les coulisses de leurs reportages.

Témoignages : Mathilde Lemaire et Benjamin Chauvin, de retour de reportage à Gaza

Le travail en Israël

  • Mathilde Lemaire : "En Israël, il faut une carte de presse internationale, il faut s'enregistrer au ministère de l'Information, mais c'est relativement simple. Quand nous sommes rendus vers le sud, vers la lisière de la bande de gaza, nous avons eu la surprise de croiser très souvent, bizarrement, des représentants du ministère des Affaires étrangères. On allait dans un café, dans un hall d'hôtel et là, on trouvait des représentants de ce ministère qui nous offraient des cafés, qui nous proposaient des sujets de reportage. Donc il faut vraiment n'être pas trop tributaire de cette communication très calibrée, ne pas se laisser avoir . "

A RETROUVER : ►►►Gaza, le conflit filmé par nos envoyés spéciaux

Le Hamas à Gaza, présence fantôme mais permanente

Après avoir mis trois jours à passer la frontière entre Israël et la bande de Gaza, Mathilde Lemaire et Benjamin Chauvin ont pris contact avec une autre réalité : le contrôle permanent bien que quasi-invisible exercé par le Hamas.

- Benjamin Chauvin : "La population est complètement infiltrée. On a eu un épisode assez troublant dans l'hôpital de Chifa qui est le plus grand hôpital de Gaza, et dans lequel se réfugie justement le poste de commandement du Hamas. On était en train de filmer un roquette qui était tombée sur un bâtiment extérieur. Et dans la minute qui a suivi, on a été interpellés par des gens du Hamas en civil qui nous ont demandé de visionner et ensuite de supprimer les images qu'on avait faites qui pouvaient les gêner. Et les choses sont allées un peu plus loin puisqu'une fois rentrés à l'hôtel dans l'après-midi, on a été convoqués au PC du Hamas pour faire un rapport sur ce qu'on avait vu et qui était manifestement assez délicat pour eux . Ils étaient invisibles mais pourtant toujours là. "

- Mathilde Lemaire : "On voit des représentants politiques, des porte-parole du Hamas. Mais pour ce qui est des combattants armés, c'est très compliqué de les voir. Ils agissent depuis des zones particulières où il est très compliqué de se rendre. On ne les croise quasiment pas. Si on a vu une silhouette de personne en arme, ce sera bien  la seule qu'on aura vu. "

Les enfants dans la guerre

- Benjamin Chauvin : "C'est triste mais les enfants reconnaissent le bruit des obus comme nous on reconnaîtrait le chant des oiseaux. C'est à dire qu'ils reconnaissent les tirs amis, les tirs ennemis, si c'est proche, si c'est éloigné, si c'est important ou pas. C'est ce qui m'a le plus marqué. "

- Mathilde Lemaire : "Il y a énormément d'enfants, il y a un taux de natalité très important dans la bande de Gaza. Et ils représentent un tiers des civils tués. Les enfants sont parmi les tués, parmi les blessés ou ils ont vu mourir certains copains, certains voisins, certains cousins. Ce sont des enfants pour qui la mort est familière. Hier nous nous sommes rendus dans une école de l'ONU qui sert de camp de réfugiés pour les civils qui sont déplacés qui ont fui leurs maisons sous les bombes. Et dans ce camp de réfugiés les enfants dessinaient. On leur avait donné des feuilles, des crayons. Il y avait 11 enfants autour de la table et les 11 enfants ont dessiné des missiles, des maisons effondrées, les 11 enfants ont dessiné des hélicoptères, des soldats, des explosions. C'est assez troublant, ce ne sont pas des enfants ordinaires. Ils n'ont pas des réflexions, des pensées et des préoccupations d'enfants. On peut se demander ce qu'on est en train de mettre dans le coeur de ces enfants, quels adultes ils vont devenir. "

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