Yves Ruggieri sur un câble internet sous-marin long de 17.000 km
Comment le projet ACE s’est-il mis en place ? Et comment a-t-il été financé ?
L’initiative vient de France Télécom-Orange. Au départ, nous voulions connecter au haut débit la vingtaine de nos filiales africaines pour accompagner leur croissance. Jusque là, elles étaient obligées de passer par le satellite, un moyen très coûteux. Un câble sous-marin était donc la solution économique pour amener le haut débit en Afrique de l’Ouest.
Le projet a attiré d’autres partenaires de l’Afrique anglophone (Gambie, Sierra Léone, Nigéria…) et lusophone (Angola). En tout, 23 pays se sont joints au projet ACE. Le coût des travaux, 700 millions de dollars (558 millions d’euros), a été financé pour 200 millions par France Télécom-Orange, la Banque Mondiale pour une centaine de millions. Le reste l’a été par les Africains : opérateurs locaux, gouvernements…
La Banque mondiale a financé la connectivité de pays très pauvres ou ruinés par la guerre comme la Sierra Leone, le Liberia, la Gambie. Condition pour cette participation exceptionnelle: que le secteur des télécoms de ces pays se libéralise. La Banque a été rassurée par le fait que France Télécom-Orange pilote le projet et qu’elle n’ait pas à verser directement l’argent aux partenaires concernés.
Dans le même temps, d’autres pays très pauvres et sans accès à la mer, comme le Mali et le Niger, ont pu participer à ACE en partageant le financement et les équipements techniques.
Résultat : parmi les 23 pays partenaires, neuf vont pour la première fois avoir accès à l’internet haut débit. Parmi eux : le Libéria, la Gambie, la Mauritanie, la Guinée, le Mali, la Sierra Leone… Pour d’autres comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, déjà connectés, l’ACE va permettre de sécuriser les liaisons.
Quand les travaux ont-ils commencé ? Et en quoi consistent-ils ?
Le projet a été lancé en 2008. Les travaux, qui ont commencé en 2010, ont duré deux ans.
A l’aide d’un sonar, on commence d’abord par établir une cartographie très précise des fonds marins pour déterminer le tracé. On privilégie les grands fonds plats (6000 m) pour minimiser les risques comme l’accrochage par un navire. Il s’agit aussi d’éviter les éboulements de montagnes sous-marines. Le câble lui-même mesure 5 cm de diamètre : la fibre optique (quelques microns d’épaisseur) est protégée par un entourage d’acier ou de plastique très dur. A l’intérieur de l’équipement court une gaine électrique en cuivre alimentant des «répéteurs», disséminés le long du tracé, qui régénèrent le signal optique.
L’ensemble est déroulé et déposé par un navire spécial le long de la route choisie. Pour ACE, il a fallu affréter trois navires chargés de 5000 km de câble chacun. A l’approche des côtes, il est enterré à 1 ou 2 m de profondeur par une charrue sous-marine télécommandée. Ensuite, chaque pays participant est relié individuellement par une unité de branchement.
A l’arrivée, l’équipement a atterri à Penmarc’h en Bretagne. Il a alors été sorti de l’eau comme un serpent de mer, tiré par des grosses machines et suspendu par des ballons. Après des tests techniques, ACE sera mis en service à la fin de cette année.
Où en est aujourd’hui l’Afrique en matière d’internet haut débit ? Selon une étude, 0,7 % du continent noir seulement était connecté fin 2008.
A cette époque, en effet, très peu de pays avaient accès au haut débit. Parmi eux : l’Afrique du sud, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. La mise en service du câble va être un peu une révolution sociale pour l’Afrique de l’Ouest. Et nous attendons une croissance très forte dans ce domaine : en l’occurrence une hausse annuelle du nombre d’abonnements de l’ordre de 28 % d’ici 2013.
D’une manière générale, ACE représente une innovation très importante, impossible à imaginer il y a quatre ans. Elle a été un catalyseur pour la libéralisation du secteur des télécoms en Afrique de l’Ouest. Si les pays intéressés n’avaient pas ouvert leur marché, le train serait passé sans s’arrêter chez eux ! On peut donc dire qu’à tous les niveaux, les choses se sont passées de la manière la plus positive qui soit.
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