Les discriminations contre les musulmans sont en forte augmentation dans l'Union européenne, selon un rapport de l'Agence des droits fondamentaux
Une forte augmentation "déshumanisante". Près d'une personne musulmane européenne sur deux déclare être victime de discriminations racistes, selon un rapport de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) publié jeudi 24 octobre. Ce sont précisément 47% des musulmans, interrogés dans 13 pays européens, dont la France, qui rapportent avoir subi des discriminations ces cinq dernières années. Ce chiffre était de 39% en 2016 (même page, 25% en 2016, 35 en 2022).
Les pays dans lesquels les musulmans sont le plus victimes de racisme sont l'Autriche (71%), l'Allemagne (68%) et la Finlande (63%), selon le rapport intitulé "Etre musulman dans l'UE". La France se classe au niveau de la moyenne européenne, à 39%. Toutes les personnes musulmanes ne sont pas touchées de la même façon, les personnes originaires "de pays d'Afrique situés au sud du Sahara" étant plus à risque "de subir des discriminations racistes", tout comme "les jeunes musulmans nés dans l'UE" et les "femmes portant des vêtements religieux", écrit le FRA.
Une "rhétorique antimusulmane déshumanisante"
L'agence s'est basée sur les réponses de 9 604 personnes, collectées dans le cadre d'une enquête réalisée en 2022 sur les immigrés et leurs enfants dans l'Union européenne. Ces données ont également servi à nourrir un autre rapport, "Etre noir dans l'UE", publié en octobre 2023, qui faisait lui aussi état d'une montée du racisme contre les personnes noires en Europe.
Dans un communiqué de presse, la directrice du FRA, Sirpa Rautio, déplore ainsi une "montée inquiétante du racisme et de la discrimination à l'encontre des musulmans en Europe".
"Cette situation est alimentée par les conflits au Moyen-Orient et aggravée par la rhétorique antimusulmane déshumanisante que nous observons sur tout le continent."
Sirpa Rautio, directrice de l'Agence des droits fondamentaux de l'UEdans un communiqué de presse
Le rapport s'intéresse en particulier aux discriminations vécues sur le marché du travail. "Les musulmans sont le plus souvent victimes de discrimination dans leur recherche d'emploi (39%) ou sur leur lieu de travail (35%)", précise le rapport, qui souligne que "deux musulmans sur cinq (41%) sont surqualifiés pour leur emploi, contre 22% de la population générale" dans l'Union européenne.
Selon les chiffres de l'agence européenne, les femmes (25-44 ans) portant un vêtement religieux sont plus souvent victimes de discrimination lorsqu'elles cherchent du travail (41%) que celles qui n'en portent pas (31%). "Ce chiffre monte à 58% pour les jeunes femmes (16-24 ans) portant des vêtements religieux", précise le rapport. Les musulmans européens font aussi face à des discriminations dans l'accès au logement, "un tiers (35%) des répondants n'ont pas pu acheter ou louer une maison en raison de discrimination, contre 22% en 2016".
Une demande d'appliquer "correctement" les lois anti-discrimination
Les répondants font aussi part de la persistance de contrôles au faciès. Ainsi, un quart (27%) des musulmans disent avoir été contrôlés par la police au cours des cinq années. Parmi les personnes contrôlées, 42% estiment que le contrôle "était dû à leur origine immigrée ou ethnique". En France, 25% des répondants rapportent avoir été arrêtés au cours des cinq dernières années, 44% estiment l'avoir été dans le cadre d'un contrôle au faciès. Un chiffre largement plus haut pour les personnes d'origine subsaharienne (57%) que pour les personnes originaires d'Afrique du Nord (41%).
Ces discriminations ont un impact important sur les musulmans européens. Près d'un tiers des musulmans "qui recherchent un logement ont du mal à trouver un logement adapté à leur famille en raison de la discrimination raciale", poursuit l'agence européenne. En matière de santé, les musulmans sont "deux fois plus susceptibles (...) de ne pas voir leurs besoins médicaux satisfaits correctement".
Pour remédier à cette situation, le FRA recommande à l'UE et aux Etats membres de "se focaliser sur le racisme anti-musulmans", de "collecter des données sur tous les motifs de discrimination pour permettre une meilleure élaboration des politiques" mais aussi d'"appliquer correctement les lois anti-discrimination". Le rapport demande également aux Etats d'"éradiquer les pratiques et cultures institutionnelles discriminatoires qui conduisent" à des contrôles au faciès "illégaux" de la part de la police. "Au lieu de semer la division dans nos sociétés, nous devons veiller à ce que chacun dans l'UE se sente en sécurité, inclus et respecté, quelles que soient sa couleur de peau, son origine ou sa religion", s'indigne Sirpa Rautio.
L'étude de l'Agence des droits fondamentaux dans l'Union européenne a été menée à l'aide d'un questionnaire, soumis en personne ou en ligne, à près de 9 604 personnes musulmanes, entre octobre 2021 et octobre 2022, dans 13 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suède.
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