Ce qui fait pencher David Cameron vers l'euroscepticisme décomplexé
Le Premier ministre prononce, mercredi, un discours sur l'avenir de son pays au sein de l'Europe, alors que l'euroscepticisme grandit outre-Manche.
L'Union européenne regarde désormais du cÎté de Londres. Dans un discours trÚs attendu depuis six mois, prononcé mercredi 23 janvier, le Premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé qu'en cas de victoire en 2015, il proposerait l'organisation avant 2017 d'un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Une position trÚs ferme à l'égard de l'UE qui peut s'expliquer par un euroscepticisme croissant en Grande-Bretagne.
1Un euroscepticisme historique
La position anti-europĂ©enne des Britanniques ne date pas d'hier. Comme le rappelle Le Monde.fr (article abonnĂ©s), les conservateurs entretiennent depuis longtemps ce sentiment. "Les Ă©lus conservateurs reprĂ©sentent en gĂ©nĂ©ral le pays profond (âŠ), le sentiment que le Royaume-Uni, en raison de son histoire, a un destin planĂ©taire et pas seulement europĂ©en (âŠ)", analyse Tony Travers, professeur Ă la London School of Economics, citĂ© dans le quotidien.
Pour Sophie Pedder, correspondante de The Economist à Paris et interrogĂ©e par Atlantico, ce sentiment eurosceptique remonte Ă la seconde guerre mondiale. "Les Britanniques ne se sont jamais sentis europĂ©ens comme les Français. Ils (âŠ) se sentent de façon gĂ©nĂ©rale plus proches de la culture nord-amĂ©ricaine que de la culture europĂ©enne. L'isolement britannique par rapport au reste de l'Europe est aussi liĂ© au statut insulaire du pays", explique-t-elle. La relation des Britanniques "avec l'Europe continentale s'est (donc) Ă©laborĂ©e autour d'une grande mĂ©fiance vis-Ă -vis du projet europĂ©en", en particulier Ă l'Ă©poque de Margaret Thatcher.Â
Londres s'est donc forgée sa propre vision de l'Europe, que décrit ainsi le Financial Times : "Tandis que le Royaume-Uni voit sa participation au club européen en termes purement économiques, ses deux cofondateurs, la France et l'Allemagne, envisagent l'Union européenne comme un projet politique".
2Un sentiment renforcé par la crise
Cette position s'est rĂ©cemment accentuĂ©e du fait de la crise europĂ©enne, dont une des consĂ©quences rĂ©side dans "le retour en scĂšne de l'Allemagne comme principal acteur europĂ©en". L'idĂ©e dĂ©plaĂźt fortement outre-Manche, comme le montre ce reportage d'Arte. "Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester dans l'Union si c'est pour payer des millions de livres sterling qui seront dĂ©pensĂ©s par Bruxelles pour construire un nouveau parc aquatique au Maroc ou je ne sais oĂč", confie cet habitant des Midlands. Et son voisin de renchĂ©rir : "C'est Ă nous de dĂ©cider ce qu'il se passe ici."
Surtout, la crise "permet au chĆur des eurosceptiques zĂ©lĂ©s de rĂ©pĂ©ter qu'ils 'nous l'avaient bien dit'", Ă©crit The Independent. Et l'opinion suit. Un sondage paru dans The Observer et citĂ© par le Guardian (en anglais) avant l'Ă©chec du sommet europĂ©en sur le budget rĂ©vĂšle qu'une majoritĂ© de Britanniques (56%) voteraient pour une sortie de l'UE en cas de rĂ©fĂ©rendum. Seuls 30% souhaitent y rester.Â
La presse nationale, en majoritĂ© eurosceptique, ne fait qu'attiser ce climat, note de son cĂŽtĂ© Le Monde. Le quotidien cite le Daily Telegraph, le Times et le Daily Express, trois journaux conservateurs "dont les propriĂ©taires ouvertement europhobes pĂšsent sur la ligne Ă©ditoriale de leurs titres".Â
3Une pression politique accrue
L'euroscepticisme des Britanniques s'est enfin banalisé dans les rangs des conservateurs, raconte encore Le Monde.fr (accÚs abonnés). Il évoque Mark Pritchard, député conservateur jusqu'à présent frileux quant à une sortie de l'Union. Il n'hésite plus, aujourd'hui, à s'inclure dans une "nouvelle génération d'eurosceptiques rebelles". Comme lui, une centaine de jeunes députés tories seraient aussi tentés par une sécession.
Ces positions plus extrĂȘmes mettent sous pression David Cameron, eurosceptique "pragmatique" d'aprĂšs ses propres mots. D'autant qu'un autre parti, anti-europĂ©en, se tient en embuscade. Son nom ? L'Ukip, le parti pour l'indĂ©pendance du Royaume-Uni. Cette formation, crĂ©Ă©e en 1993, milite pour un rĂ©fĂ©rendum sur la sortie du pays de l'UE. Forte de 12 dĂ©putĂ©s europĂ©ens, elle a rĂ©cemment pris de l'ampleur lors des Ă©lections partielles de Rotherham, remportant 21,79% des suffrages. Son chef de file, Nigel Farage, l'a alors qualifiĂ©e de "troisiĂšme force politique" du pays.
Ce succÚs a aussi dopé les ambitions de l'Ukip pour les élections européennes de 2014, qu'il compte dominer. Or, une large victoire desservirait les tories pour les législatives de 2015, explique Slate.fr. "Certains sondages récents montrent que ce sont les conservateurs qui pùtissent de la montée en puissance de l'Ukip dans les intentions de vote." Ce qui oblige le Premier ministre à revoir son "pragmatisme" en matiÚre d'euroscepticisme.
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