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Secret bancaire : la Suisse n’est plus la Suisse

La Suisse a-t-elle mis fin à son secret bancaire en signant le 15 octobre la convention de l'OCDE sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ? Depuis la crise financière, la place suisse est soumise à de lourdes pressions pour mettre fin à son statut de refuge fiscal. Cette signature est le dernier épisode de la normalisation de la confédération.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Agence bancaire en Suisse. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Pour les observateurs, cet accord avec l’OCDE ouvre une brèche de taille dans la notion de secret bancaire, mais l’échange de données n’est pas encore automatique. Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, s'est félicité de l'accord estimant que cette signature «envoie un signal clair et fort montrant que la Suisse fait partie de la communauté des Etats pour qui la coopération fiscale internationale est une nécessité». 

Depuis la crise financière de 2008, la Confédération helvétique se trouve sous forte pression des Etats-Unis et de l'Union européenne pour renoncer au secret bancaire, qui remonte à 1934, alors que le G20 a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une de ses priorités. 

Le texte signé avec l'OCDE prévoit toutes les formes d'assistance mutuelle : échange sur demande, échange spontané, contrôles fiscaux à l'étranger, contrôles fiscaux simultanés et aide au recouvrement de l'impôt, tout en protégeant les droits des contribuables, souligne l'OCDE . Il prévoit aussi la possibilité d'échanges automatiques de renseignements sous réserve de l'accord des parties intéressées par cette forme d'assistance, un point sur lequel la Suisse a simplement indiqué qu'elle avait «entamé une réflexion».

La Suisse a conclu avec les Etats-Unis un accord en ce sens, mais il n'est pas encore élargi aux autres pays de l'OCDE. «La signature de la convention confirme l'engagement de la Suisse à participer à la lutte mondiale contre l'évasion et la fraude fiscales, dans le but de préserver l'intégrité et la réputation de la place financière du pays», a estimé le représentant de la Suisse auprès de l’organisation internationale.

Berne relatiivise

«La convention instaure un échange spontané d'informations. Cela n'est pas une obligation systématique», relativise-t-on cependant à Berne. En clair, en cas de suspicion d'argent noir déposé par un client étranger dans une banque suisse, le cas pourrait être «spontanément» dénoncé au pays d'origine. «Dans la pratique, cela n'arrive pas très souvent dans les pays signataires», précise Mario Tuor, du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales à Berne à la Tribune de Genève
 
L’échange automatiques de données ne sera pas immédiat puisque, selon Berne, «il faudra signer des accords bilatéraux avec chaque pays concerné».
 
«La signature de cette convention n'a rien de dramatique», estime de son côté Philippe Braillard, professeur en sciences économiques à l'Université de Genève. «Le Conseil fédéral fait simplement un pas supplémentaire dans la voie qu'il a initiée.»
 
«La Suisse se prépare à l'échange automatique de données, qui pourrait devenir un standard international dans quelques années. C'est sur ce sujet qu'elle doit négocier ferme pour avoir des contreparties et veiller surtout à ce que ce standard soit appliqué par tout le monde, surtout les pays anglo-saxons», ajoute le spécialiste de la place financière. En clair, on veut bien devenir transparent si tout le monde l'est...

Une évolution inéluctable
Quoi qu'il en soit, touche par touche, texte après texte, la Suisse fait évoluer son secret bancaire. Une évolution qui remonte à 2009, selon le magasine suisse Bilan. Ce qui a été signé avec l’OCDE s’ajoute à une série d’accords qui visent à normaliser le statut de la Suisse. Berne a été obligé de signer avec les Etats-Unis l’accord «FATCA» (le Foreign Account Tax Compliance Act prévoit que la Suisse transmette aux Etats-Unis des données fiscales de contribuables américains). Ce texte imposé par les USA oblige les banques helvétiques à indiquer les avoirs des citoyens américains au fisc des Etats-Unis... Une vraie trahison pour un pays qui garantissait le secret à ses clients. Cet accord signé avec les USA pourrait cependant être soumis à référendum.
 
Face aux pressions internationales, le gouvernement helvétique a décidé de rendre la place financière suisse transparente. Une politique de plus en plus acceptée en Suisse, même dans les grandes banques. Résultat : les principales banques suisses, dont UBS ou le Crédit Suisse, ont fait savoir à leurs clients résidents français qu’elles n’accepteraient plus de comptes qui ne seraient pas en règle avec le fisc français.

Mais les solutions existent toujours. Pour les très gros comptes. Au-dessus de 20 millions d’euros, via des trusts anglo-saxons, rappelle L'Express. Jersey n'est pas très loin...

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