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Royaume-Uni : et si le prince Charles devenait un contribuable comme les autres ?

L'héritier de la Couronne paie bien l'impôt sur le revenu, mais fait l'impasse sur d'autres impôts. Une particularité que le Parlement souhaite tirer au clair. 

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié
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Le prince Charles et son épouse Camilla, lors du dîner d'abdication de la reine Beatrix des Pays-Bas, le 29 avril 2013. (DIRK WAEM / BELGA MAG / AFP)

Les déboires de Starbucks et Google rejaillissent sur le prince Charles. Depuis quelques semaines, le Parlement et le fisc britanniques enquêtent sur les finances des géants américains. Mais dans leur combat, les députés se sont trouvé une nouvelle cible : le prince de Galles, et les avantages fiscaux de la famille royale. Des passe-droits qui n’ont rien d’illégal, mais qui restent en travers de la gorge d’un Royaume-Uni en pleine cure d'austérité. Les députés cherchent à connaître l'intégralite des activités du prince, qui leur a tout simplement refusé d'ouvrir ses comptes. 

Un patrimoine qui jure avec une image traditionnelle

En juin, The Independent (en anglais) a révélé la dernière lubie de l'héritier du trône. Généralement ardent défenseur du patrimoine architectural et environnemental de son royaume, ce dernier a déboursé 44 millions d’euros pour acquérir un immense entrepôt de stockage, au nord de Londres. La nouvelle acquisition jure avec l'image d’un patrimoine traditionnel.

Des terres agricoles, des propriétés commerciales et résidentielles constituent l’essentiel des biens du prince Charles. Mais il est également propriétaire d'une prison, d'un terrain de cricket, d'un hôtel Holiday Inn ou encore d'une marque d’aliments bio. Le tout pour une valeur de 802 millions d’euros. Ce patrimoine ne lui appartient que tant qu'il est duc de Cornouailles, premier héritier de la couronne d'Angleterre. Dès qu'il prendra place sur le trône, ses propriétés et titres financiers reviendront automatiquement à l'héritier suivant, son fils William.

Payer des impôts pour gagner en popularité

Traditionnellement et jusqu’au début des années 1990, les membres de la famille royale ne payaient aucun impôt. Mais en 1993, la reine a, à son initiative, commencé à s’acquitter de l’impôt sur le revenu, suivie notamment par son fils Charles. Ils le font de leur plein gré, et alors que la loi ne les y oblige pas. L’an dernier, par exemple, le Prince Charles a mis la main à la poche à hauteur de 5,2 millions d’euros, pour un total de 21,2 millions d’euros de revenus.

Un geste populaire mais calculé. En effet, le prince Charles verse sa quittance, mais elle est bien choisie. Aujourd’hui, le Parlement britannique s’intéresse justement aux contributions qu’il ne paye pas, à savoir l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les plus-values.

En marge de sa croisade contre l’évasion fiscale, le comité des comptes publics britannique remet en question ce cadeau fait à la famille royale. La députée Margaret Hodge, en guerre contre la fraude, a notamment demandé en quoi "ce traitement de faveur restait défendable" dans le contexte actuel. Au duché de Cornouailles, on précise, qu’il ne s’agit en aucun cas de fraude fiscale, mais plutôt d’un "arrangement". Un arrangement qui octroierait une "position compétitive sur le marché" aux activités du prince Charles, selon les députés.

Pas à une contradiction près

Le porte-parole du prince de Galles souligne qu’une loi de 1838 l’empêche de toucher des plus-values. Il se contente des revenus engendrés par ces gains. Suivant son raisonnement, payer un impôt sur les plus-values serait donc absurde. De plus, toujours selon le porte-parole, "le duché n’est pas une entreprise et de ce fait n’a pas à payer l’impôt sur les sociétés. Le prince paye déjà volontairement l’impôt sur le revenu". Considérant ainsi que le duc de Cornouailles et le duché de Cornouailles ne seraient qu’une seule et même entité, il serait donc injuste qu'il soit doublement imposé.

Mais le duché ne semble pas à une contradiction près. "Les ducs de Cornouailles gèrent traditionnellement eux-mêmes leur patrimoine. Le duc actuel est activement impliqué dans la gestion du duché", peut-on lire sur son site internet. Les biens du prince Charles vont donc de pair avec son titre de duc, son duché en somme, et ne lui appartiennent pas à lui en tant qu'individu. De plus, un tribunal britannique spécialisé dans le droit à l’information a tranché cette question en 2011, réaffirmant la distinction entre les deux entités. La Couronne a fait appel de cette décision.

Malgré la volonté du fisc britannique d’ouvrir une enquête sur les privilèges du prince Charles, ce dernier a refusé de dévoiler son patrimoine. Peut-être espère-t-il que l’arrivée de son petit-fils ou de sa petite-fille détourne l'attention de la presse britannique de ses finances.

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