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Quatre raisons pour lesquelles Angela Merkel devrait faire profil bas

La chancelière allemande estime que les réformes engagées par le gouvernement français sont "insuffisantes". Mais certains soulignent que l'Allemagne n'est pas bonne élève sur tous les plans.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La chancelière allemande Angela Merkel, le 21 novembre 2014 à Berlin. (RAINER JENSEN / DPA / AFP)

L'amitié franco-allemande bat de l'aile après les nouvelles déclarations d'Angela Merkel, dimanche 7 décembre. Les réformes françaises sont "insuffisantes", a lâché sans ménagement la chancelière allemande dans un entretien accordé au quotidien Die Welt (en allemand)"Maul zu, Frau Merkel ! Frankreich ist frei. ["Fermez-la, Madame Merkel ! La France est libre."], a répondu avec virulence Jean-Luc Mélenchon, invitant la chancelière à s'occuper de ses "pauvres" et de ses "équipements en ruine".

"On voit la paille dans l'oeil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien." Angela Merkel est-elle l'illustration de l'adage français ? Mieux vaut rester modeste : en Allemagne, le chômage demeure aux alentours de 5%, les comptes publics sont à l'équilibre et, malgré son ralentissement, la croissance reste supérieure à 1%. Mais ces chiffres masquent certaines faiblesses. Francetv info donne quatre raisons pour lesquelles Angela Merkel pourrait faire profil bas.

1 L'Allemagne ne respecte pas toutes les règles européennes

Prompte à dénoncer les écarts de ses voisins en matière d'orthodoxie budgétaire, l'Allemagne oublie qu'elle n'est pas toujours dans les clous. L'excédent de la balance commerciale allemande, qui culmine ces derniers mois à 7% du PIB national, se situe au-dessus des limites imposées par Bruxelles. Les nouvelles règles de 2011 sur la gouvernance économique de l'UE imposent une variation sur trois ans comprise entre 4% de déficit et 6% d'excédent.

Bruxelles a donc décidé d'ouvrir une enquête sur ce déséquilibre macroéconomique qui pourrait menacer la croissance européenne. En achetant trop peu de biens fabriqués dans l'Union européenne, l'Allemagne la jouerait un peu trop perso et pénaliserait ses voisins en inondant leurs marchés de produits "made in Germany". "En investissant à l'étranger, on finance les déficits des autres, ce qui a permis l'apparition de ce surplus commercial allemand", confirme l'économiste Nicolas Goetzmann sur le site Atlantico.

"La leçon à retenir est que la stratégie économique allemande dévoile une intention de domination plutôt qu'une volonté de coopération", juge, sévère, l'économiste. "Certes le pays ne respecte pas les règles concernant sa balance commerciale, mais les Allemands peuvent faire valoir leur situation budgétaire relativement saine", relativise Sabine Le Bayon, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), interrogée par francetv info.

2 L'Allemagne mène une politique de court-terme

Pour jouer son rôle de moteur dans l'économie européenne, l'Allemagne se doit de renouer avec le goût de l'investissement. Ce dernier reste plus fort en France que chez son voisin d'outre-Rhin. "On constate une faiblesse de l'investissement public et privé en Allemagne et les dernières décisions du gouvernement restent insuffisantes, ils auraient les moyens de faire bien plus mais ils font une sorte de blocage psychologique", acquiesce Sabine Le Bayon.

Pour expliquer cette réticence, il faut comprendre la volonté allemande d'atteindre l'objectif d'une dette publique inférieure à 60% du PIB afin de se préparer aux dépenses sociales à venir devant le vieillissement de sa population. Une politique de rigueur des dépenses publiques qui ne permet pas de stimuler la croissance pour l'avenir. "Les infrastructures allemandes sont en mauvais état, ce qui peut entraîner une chute des investissements étrangers", note par exemple Sabine Le Bayon.

L'économiste relève par ailleurs une évolution positive en matière de relance avec "une récente augmentation de la redistribution des salaires, symbolisée par l'apparition d'un smic".

3 L'Allemagne va souffrir de sa démographie

La démographie allemande, avec une baisse de la natalité et un vieillissement de la population, est également une source d'inquiétude. La quasi-absence de système de garde pour les jeunes enfants incite les femmes à rester au foyer et prive le pays d'une main d'œuvre précieuse. "Cela ne permet pas de stimuler la croissance", considère Sabine le Bayon.

"Le pays bénéficie pour l'instant de l’immigration, mais ça ne va pas durer et les réformes sont trop faibles pour améliorer la démographie", ajoute-t-elle. Les investissements pour les structures d'accueil des enfants en bas âge manquent d'ambition et certaines mesures comme l'allocation pour les femmes qui restent au foyer sont "contradictoires", estime l'économiste.

4 L'Allemagne manque de solidarité

"Mis à part quelques prêts bilatéraux très limités, l'Allemagne qui se dit fédéraliste n'a pas déboursé un traître centime d'euro pour aider ses partenaires en pleine chute depuis 2009", constate sur Atlantico l'économiste Mathieu Mucherie. Ce dernier reproche à la première puissance européenne de refuser tout mécanisme budgétaire capable d'aider ses voisins comme une dévaluation ou une vaste remise des dettes, "toutes choses que l'Allemagne a obtenu pour elle (et massivement !) à d'autres époques, soit dit en passant".

Une mémoire courte et un manque de reconnaissance que la gauche française commence à souligner avec une certaine véhémence. Lors de l'émission Des paroles et des actes, la responsable écologiste Cécile Duflot a ainsi rappelé à Ingeborg Gräessle, député européenne du CDU, que la France avait aidé l'Allemagne lors de sa réunification dans les années 1990.

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