Pourquoi Siemens veut-il manger Alstom?
En apparence, Siemens gagne de l’argent. Au second semestre de son exercice décalé 2013-2014, le groupe a généré 1,15 milliard d’euros de bénéfice net, en progression de 12% sur un an.
Pourtant, le plus gros employeur industriel d’Allemagne (avec environ 330.000 employés outre-Rhin pour un effectif global de 362.000 personnes) reste fragile. Sur la même période, le chiffre d’affaires, qui a souffert de l’euro fort, a reculé de 2% à 17,45 milliards d’euros. Pour redresser la barre, la direction de l'entreprise avait d’ailleurs lancé, fin 2012, un plan d’économies de 6 milliards d’euros sur deux ans. Elle en a profité pour se débarrasser de ses activités non rentables : elle a ainsi vendu les ampoules électriques Osram, tout en se retirant du solaire et du traitement des eaux. Et à l’été 2013, le patron Peter Löscher a été débarqué pour mauvais résultats et remplacé par Joe Kaeser.
Ce dernier a fort à faire pour améliorer la rentabilité de Siemens: 5,6%, contre près de 10% pour son grand concurrent General Electric qui cherche visiblement à venir chasser sur les territoires européens du géant allemand. Le nouveau patron entend simplifier un conglomérat qui fabrique à la fois des éoliennes, des trains et des scanners médicaux. Il entend désormais se positionner sur «l’électrification, l’automatisation et la numérisation», comme l’annonçait un communiqué du groupe le 6 mai 2014.
Recentrage dans le vent
Dans ce contexte, Siemens s’intéresse à des domaines qu’il juge à haut potentiel. A commencer par les petites turbines à gaz et celles d’éoliennes offshore. La firme munichoise a ainsi annoncé le rachat, pour près d'un milliard d'euros, du secteur des turbines et compresseurs du britannique Rolls-Royce.
Leader mondial de l’énergie éolienne offshore, le groupe allemand s’intéresse aussi à Alstom qui a construit à Ostende en Belgique l’Haliade 150, la plus puissante éolienne du monde, d’une capacité de 6 mégawatts (MW). En consortium avec EDF, l'entreprise française doit installer le même équipement dans l’Hexagone à Courseulles-sur-Mer (Calvados), Fécamp (Seine-Maritime) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Autre avantage pour l’allemand : Alstom possède une division turbine. Outre qu’il consoliderait sa branche énergie avec ces acquisitions, il renforcerait par ailleurs son recentrage en abandonnant au français la plupart de ses activités ferroviaires.
Problème : dans la lutte de titans que se livrent Siemens et GE, le premier, qui doit faire des économies, n’a pas forcément les moyens de ses ambitions face à la multinationale américaine. Laquelle est prête à mettre 12,35 milliards d’euros sur la table pour racheter Alstom.
Autre talon d’Achille du groupe allemand : sa capacité à tenir ses promesses en matière d’emplois. Pour l’emporter dans le rachat de la firme française, il a promis de ne pas licencier pendant trois ans. Mais fin avril, le Spiegel rapportait que dans le cadre de sa réorganisation interne, Siemens pourrait être amené à supprimer des milliers de postes. En plus des 15.000 suppressions déjà prévues dans le cadre du plan d’économies de 6 milliards d’euros. Voilà évidemment qui fait mauvais genre dans la partie d’échecs qui se déroule autour d’Alstom…
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