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Portugal: une embellie économique qui ne profite guère à la population

Sur le papier, tout va mieux au Portugal. Mais qu’en est-il réellement, un an après la fin de la tutelle de ses créanciers internationaux (UE-FMI-BCE), le 17 mai 2014 ? Et alors que le gouvernement de centre-droit crie à l’embellie et à la sortie de crise.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Lisbonne, au Portugal, le 21 mai 2015: manifestation à Lisbonne contre la privatisation des transports, à l'appel du Mouvement de la fonction publique, de la Fédération des transports et des communications de l'Union du commerce et d'autres syndicats, des conseils ouvriers et d'autres comités d'utilisateurs.  (AFP PHOTO / PATRICIA DE MELO MOREIRA)

Dans le registre de ce qui va bien… Les chiffres montrent des déficits sous contrôle, des records de fréquentation touristique, la reprise du marché immobilier, la hausse des exportations et de l'investissement. En gros, les principaux indicateurs sont au beau fixe et la croissance prévue pour 2015 est de 1,6%.
 
Mais… en réalité, le chômage et la dette publique restent élevés, les impôts caracolent à un plus haut historique et l’émigration, notamment celle des jeunes, ne régresse pas. Si le chômage s’est infléchi à 13,3% de la population active (inversant toutefois sa tendance à la baisse sur les deux derniers trimestres), il touche 33,6% des moins de 25 ans.

 
Les Portugais se serrent toujours la ceinture
A cinq mois des législatives, la reprise est fragile et reste due partiellement à des facteurs externes, comme la baisse des prix du pétrole et de l'euro. En revanche, les sacrifices continuent pour la population.
 
En 2011, le Portugal avait obtenu un prêt international de 78 milliards d'euros. La contrepartie ? Une cure de rigueur drastique dont le bilan est sans appel : chute des salaires (ceux des fonctionnaires perdant de 20 à 25%) et suppression de 10% des effectifs de la fonction publique, soit plus de 71.000 postes. Sans parler des prestations sociales largement revues à la baisse.
 
Bilan des courses : près d'un Portugais sur cinq vit en 2015 sous le seuil de pauvreté, avec un revenu inférieur à 411 euros par mois.
 
Les étrangers affluent…
Le frémissement de l’économie et le départ de la Troïka (UE-FMI-BCE) ont toutefois fait revenir les investisseurs étrangers. Notamment sur le marché immobilier. On vient de voir le fonds d'investissement américain Lone Star acquérir le complexe touristique de Vilamoura en Algarve (sud) auprès de la banque espagnole Catalunya Banc.
 
Dans le registre de l’immobilier, le pays n’a jamais été aussi attractif auprès des particuliers et des entrepreneurs britanniques, français et même chinois (même si un scandale de corruption a freiné les ardeurs de ces derniers).
 
Il faut dire que depuis fin 2012, débourser au moins 500.000 euros pour l'achat d'une maison ou d'un appartement, investir au moins un million d'euros ou encore créer dix emplois permettent d’obtenir des visas «gold», permis de séjours pour les étrangers. Des incitations fiscales pour les retraités, couplées à un coût de la vie inférieur à la plupart de celui des pays européens, ont fait le reste.
 
Plus d'un logement sur cinq a été vendu à des étrangers au Portugal en 2014, ce qui équivaut à 23.000 maisons et appartements.

 
…alors que les candidats à l’exil sont légion
Pourtant, la reprise se fait sans les 20% des diplômés partis chercher du travail en dehors des frontières du pays. En effet, les candidats à l'exil sont toujours aussi nombreux, surtout parmi les jeunes.
 
Si la plupart travaillent à l’étranger dans la construction, l’hôtellerie ou les services, le départ des jeunes adultes hautement qualifiés constitue pour le pays une véritable fuite des cerveaux. Ainsi, les infirmiers, médecins, professeurs et ingénieurs, formés au Portugal, exportent leurs compétences en France, Suisse, Allemagne Etats-Unis, Royaume-Uni ou en Angola. Des forces-vices qui ne contribuent pas au développement du pays.
 
Tous âges confondus, le pays compte quelque deux millions d'émigrés, soit plus d’un cinquième de sa population, selon un rapport de juillet 2014.
 
Dans Libération, l’économiste Cristina Semblano montre une autre conséquence de cette émigration massive : «Elle accentue le vieillissement de la population portugaise qui, fruit de la vague migratoire des années 60, de la guerre coloniale et de taux de natalité parmi les plus bas d’Europe, est déjà l’une des plus vieilles du monde et de l’UE.»
 
Aujourd’hui, pour les faire rentrer au pays, le gouvernement a mis en place (mai 2015) des mesures incitatives à destination de ses expatriés. Mais les aides à l'embauche, à la création d'entreprise ou à la réalisation de stages professionnels financés via des fonds européens suffiront-elles à faire rentrer la jeunesse ?

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