Cet article date de plus de huit ans.
Pesticides : ni principes, ni précautions…
Glyphosate : ce nom vous dit quelque chose ? Par contre, si je vous dis Round Up, vous comprenez. Le glyphosate, c’est le principe actif du désherbant N°1.
Est-il cancérigène ? A cette question ultra sensible, l’UE préfère se cacher derrière des études opaques plutôt que d’appliquer le principe de précaution.
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Cancérigène ? Il l’est, probablement, selon le CICR, le Centre International de Recherche contre le Cancer, un organisme dépendant de l’OMS.
Cancérigène ? Il ne l’est probablement pas, selon l’EFSA (European Food Safety Authority).
Et nous voici avec deux groupes de chercheurs et d’experts partis dans des résultats diamétralement opposés. Au milieu, des enjeux de santé publique non négligeables (on parle de cancer, quand même) et des enjeux économiques énormes (on parle en milliards de chiffre d’affaires annuel).
Quand vous achetez du Round Up pour désherber votre allée, vous ne vous posez pas trop la question : si ce produit est en vente libre, c’est qu’il ne représente aucun danger, ni pour vous, ni pour l’environnement. Vous ignorez certainement comment cela se passe, mais vous imaginez que la mise sur le marché d’un produit chimique est soumis à des contrôles rigoureux et réguliers.
Effectivement, les contrôles existent. Mais sont-ils fiables ? et la procédure est-elle transparente ?
C’est la Commission Européenne qui autorise, on non, la mise sur le marché. Pour cela, elle se base sur les études menées par l’EFSA. Le dossier passe ensuite devant un comité d’experts (un par pays) qui valide ou non la proposition de la CE à la majorité qualifiée. Si cette majorité qualifiée n’est pas atteinte, c’est à la CE seule de prendre la décision.
On revient un peu en arrière : à la base, les contrôles sont donc menés par l’EFSA. Qui s’appuye en fait sur les études fournies par les industriels. Ah… un détail. Ces études sont secrètes, pour ne pas déroger au secret de fabrication. On sait toutefois que l’EFSA s’est cantonnée à évaluer le glyphosate pure sans prendre en compte son effet quand il est mélangé à d’autres substances. Or, il existe entre 4 à 500 produits commercialisés avec des adjuvants différents.
Question fiabilité, peut-être, mais question transparence, c’est plutôt raté.
Quant au Parlement européen, dans l’histoire, il n’a aucun pouvoir.
Juste le droit de donner un avis, qui n’est pas contraignant.
Le 12 avril 2016, les eurodéputés devaient justement plancher sur le renouvelement de l’autorisation des glyphosates dans l’Union européenne pour une période de quinze ans.
S’appuyant sur le rapport du CICR de mars 2015, un certain nombre de députés fustigent la CE et attaquent le texte qui finira pourtant par être adopté (374 pour, 225 contre et 104 abstentions) au prix de quelques retouches. Un renouvèlement pour sept ans et l’interdiction de vente aux particuliers, des recommandations que la CE n’est pas tenue de suivre. De même, le Parlement demande la publication des études de l’EFSA.
Car le fonds du débat, c’est, une nouvelle fois, l’expertise.
Eurodéputée depuis 2009 au sein du groupe EELV, Michèle Rivasi dénonce depuis longtemps une Europe plus à l’écoute des multinationales que des citoyens.
Angélique Delahaye (PPE) défend, elle, l’EFSA. Elle fut pendant plus d’une décennie une dirigeante de la FNSEA et patronne des maraîchers de France. Elle a largement contribué à amender le texte pour trouver une majorité.
De son côté, Monsanto affirme qu’il n’y a aucun risque prouvé lié à l’utilisation de son herbicide. Suite à la demande adressée par le commissaire Andriukaitis, Monsanto a accepté de permettre à certaine personnes d’avoir accès aux données utilisées par l’EFSA dans son évaluation des dangers du glyphosate. Règle du jeu : pas de photocopie, pas d’enregistrement, juste un papier et un crayon…
Des analyses scientifiques sont encore en cours sur les glyphosates. Une étude est menée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) collabore avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour en conduire une autre.
Un dernier mot : en février dernier, Emily O’Reilly avait tancé vertement la Commission européenne sur la régulation des pesticides. Cette ancienne journaliste irlandaise est devenue en 2013 le 3e Médiateur européen. Son rôle, traquer la mauvaise administration des Institutions européennes : négligence, non respect du principe de précaution, pratique illégale. La CE a promis un rapport d’ici deux ans…
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