Présidence autrichienne de l'Union européenne : "Il y aura un impact sur la question migratoire, c'est certain"
Selon la chercheuse Anaïs Voy-Gillis, les formations plutôt défavorables à l'immigration en Autriche ont l'occasion de faire valoir leur discours au niveau européen.
L'Autriche, qui vient de prendre pour six mois la présidence tournante de l'UE, "va pouvoir pousser certains thèmes à l'agenda", et cela "aura un impact sur la question migratoire, c'est certain", estime Anaïs Voy-Gillis, doctorante à l'Institut français de géopolitique et co-fondatrice de l'Observatoire européen des extrêmes. Selon elle, "on a un pays qui a des partis politiques au pouvoir plutôt contre l'immigration et qui est en position de faire valoir très largement son discours".
franceinfo : La présidence de l'Autriche va-t-elle jouer sur les revendications anti migration ?
Anaïs Voy-Gillis : L'Autriche, en tant que présidente de l'Union européenne, va pouvoir pousser certains thèmes à l'agenda. Aujourd'hui la question migratoire occupe toutes les têtes et tous les partis politiques. Donc il y aura un impact, c'est certain. Il y a eu le groupe de Visegrad qui s'est positionné très fortement sur le sujet de l'immigration au moment où il y a eu des mouvements migratoires massifs en Europe. Aujourd'hui, l'Autriche a rejoint ce groupe, ou du moins a des discussions avec les pays de ce groupe. On sait que le ministre de l'Intérieur allemand a des positions similaires, tout comme l'Italie. Finalement, on a un pays qui a des partis politiques au pouvoir plutôt contre l'immigration et qui est en position de faire valoir très largement son discours. En ce qui concerne la réforme des règles de Dublin, elle est de toutes les manières en question, que l'Autriche soit présidente ou non. Si la question de cette réforme est à l'agenda, pour le moment, les pays européens n'arrivent pas à trouver de consensus sur la question migratoire. La position qui est train d'émerger c'est une fermeture des frontières de l'UE, donc on est sur une réforme qui va dans le sens de ces partis.
Que cache la devise de cette présidence : "Une Europe qui protège" ?
Aujourd'hui, on traverse une crise multiple en Europe : une crise économique, une crise sociale, une crise politique. Ce qui ressort de l'arrivée au pouvoir ou des très bons résultats des partis d'extrême droite ou de droite radicale, c'est une demande des citoyens d'être protégés : qu'on protège leur identité, qui est perçue comme étant mise en danger par la crise migratoire ; qu'on les protège en mettant des politiques en œuvre en leur faveur et donc que l'Union européenne ferme ses frontières à des populations qui sont vues comme remettant en cause un certain nombre de valeurs. Aujourd'hui, l'Allemagne a un ministre de l'Intérieur qui soutient des positions comme l'Autriche ou la Hongrie, et Angela Merkel a dit que la Hongrie les aidait en matérialisant physiquement sa frontière. Donc, l'Allemagne a une position un peu ambigüe. La France à elle seule ne va pas pouvoir s'imposer face à l'ensemble des autres pays européens, et elle n'a pas la capacité d'inverser la tendance.
Que doit-on attendre des élections européennes de 2019 ?
Il y a une affirmation très forte aujourd'hui d'un discours anti-immigration dans toutes les droites, alors qu'avant, c'était plutôt circonscrit à quelques partis. L'extrême droite va certainement faire de très bons scores aux prochaines élections européennes et va pouvoir s'entendre avec la droite sur ces questions migratoires. Il est évident qu'il y a un bloc commun qui est train de se créer sur la question migratoire. En revanche, même si l'extrême droite arrive au parlement, il subsistera des divergences au sein de ces partis. Ce qui risque d'arriver, c'est donc plutôt un blocage des institutions européennes. L'Union européenne a du mal à trouver des consensus sur un certain nombre de sujets et cela risque d'être renforcé après les élections de 2019.
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