"Ocean Viking" : pourquoi la France a finalement décidé d'accueillir le navire humanitaire
Après plusieurs jours de bras de fer avec l'Italie, le gouvernement autorise le bateau à accoster ce vendredi à Toulon et à débarquer 230 migrants. Une décision mûrement réfléchie par Emmanuel Macron, sous la pression de l'Europe mais aussi de l'opinion publique française.
Jusqu'au bout l'éxécutif français a tenté de convaincre le gouvernement de Giorgia Meloni que l'Italie devait accueillir l'Ocean Viking. Pour preuve, explique Matignon à franceinfo, jeudi 10 novembre, devant le Conseil des ministres, Emmanuel Macron n'a pas dit que la France allait accueillir le navire humanitaire. Et pour cause, les pourparlers avec Rome continuaient en parallèle. Certains participants ont malgré tout vu un président fâché par l'attitude italienne et qui évoquait cette situation comme un premier bras de fer avec le gouvernement de droite nationaliste, tout en rappelant les règles européennes.
Apparaître comme le principal opposant des nationalistes
La décision d'autoriser le bateau à accoster dans le port de Toulon et à débarquer ce vendredi 230 migrants - une première en France - a finalement été prise en toute fin de matinée jeudi. Paris travaillait sur deux hypothèses : l'une où l'Italie accueille l'Ocean Viking, l'autre où c'est la France, et dans ce cas, "on avait, prévu dit un conseiller, de prendre des mesures fortes". Dont acte, Paris a annoncé le renforcement des contrôles aux frontières et la suspension immédiate de la relocalisation en France de 3 500 migrants arrivés en Italie.
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Le gouvernement français envisage, dans un second temps, la possibilité d'autres mesures notamment pour toucher l'Italie au portefeuille. Pour Emmanuel Macron il était hors de question de donner une victoire d'affichage à Giorgia Meloni. Lui qui, en 2019, se félicitait d'être l'opposant principal des nationalistes en Europe. Impossible donc de leur donner raison trois ans plus tard sans apparaître incohérent.
Rappeler les règles européennes... peu contraignantes
Le président français veut aussi rappeler à l'Italie que les règles européennes doivent être respectées et éviter ainsi un précédent. Cette crise illustre en réalité l'incapacité des européens à se mettre d'accord sur la question des flux migratoires. Les 27 ne se sont toujours pas mi d'accord sur une répartition équitables des migrants. En juin, un accord de solidarité a bien été trouvé pour relocaliser une partie des demandeurs d'asile mais il n’est pas contraignant. Seuls 13 Etats membres l'ont, par ailleurs, signé. Si Rome avait ouvert son port, une partie des migrants de l’Ocean Viking auraient été reçue en France et en Allemagne, pays signataires, affirme Paris.
À Rome, on rappelle que seulement 8 000 migrants sur 90 000 arrivés cette année sont concernés par ce mécanisme et que seuls 117 ont été relocalisés. Matteo Piantedosi estime que les relocalisations sont absolument insuffisantes et que son pays ne peut pas gérer ce dossier seul. La réaction de la France lui a semblée "disproportionnée". "Nous avons seulement dit que l'Italie ne peut pas accueillir tous les migrants d'Afrique qui choisissent de venir en Europe", tempère le ministre. Alors que ses centres d'accueil sont déjà surpeuplés, l'Italie refuse désormais d'apporter son soutien au pacte européen qui, selon elle, ne fonctionne pas.
Tester sa doctrine auprès de l'opinion
L'Ocean Viking est un enjeu européen pour Emmanuel Macron, mais aussi un enjeu franco-français. L'exécutif, qui prépare un projet de loi sur l'asile et l'immigration, a durci son discours, comme l'illustrent les propos tenus par Gérald Darmanin jeudi. Le ministre de l'Intérieur a évoqué une décision "exceptionnelle" guidée par la situation humanitaire à bord et promis un éloignement "sans délai" de ceux qui n'auraient pas droit à l'asile.
Le message à l'opinion est clair : la France n'a pas changé de politique. "Les gens n'attendent pas de nous qu'on accueille tous les bateaux de la Méditerranée", prévient-on au sommet de l'État. Avec l'Ocean Viking, c'est donc le "en même temps" - humanité et fermeté - d'Emmanuel Macron qui est mis à l'épreuve. Le président a l'occasion de vérifier si sa doctrine sur l'immigration est audible dans l'opinion publique.
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