Migrants à Paris : "Il y avait urgence à évacuer le campement"
Bruno Morel, le directeur général d'Emmaüs Solidarité, a assisté à l'évacuation d'un campement installé dans le quartier de la Chapelle. Il raconte à francetv info comment s'est déroulée l'opération mardi matin.
Près de 400 migrants africains ont été évacués, mardi 2 juin, d'un campement de fortune installé depuis plusieurs mois en plein Paris, sous une ligne du métro aérien, dans le quartier de la Chapelle. Le directeur général d'Emmaüs Solidarité, Bruno Morel, qui a assisté à l'évacuation, raconte à francetv info comment s'est déroulée l'opération.
Francetv info : L'évacuation s'est-elle déroulée sans heurts ?
Bruno Morel : Ces personnes étaient dans une situation de totale indignité, abandonnées sur la voie publique depuis plusieurs mois dans des conditions sanitaires déplorables. Il y avait urgence à évacuer le campement.
Compte tenu des circonstances, cela s'est plutôt bien passé. L'évacuation de ce matin n'était pas une surprise, elle était imminente. Nous avons donc pu accompagner et rassurer les personnes. Surtout, des places d'hébergement ont été mobilisées. Emmaüs Solidarité, qui suit ces personnes depuis plusieurs mois, avait en effet fortement réclamé que soit appliquée la circulaire de juillet 2012, qui prévoit un hébergement en cas d'évacuation.
Il n'en reste pas moins que ce genre de moment est toujours très difficile. Une évacuation au petit matin, c'est traumatisant. Nous étions là pour rassurer les migrants et leur expliquer qu'elles auraient un toit où dormir cette nuit dans des conditions dignes.
D'où viennent les migrants qui étaient installés boulevard de la Chapelle ?
Très majoritairement, ce sont des personnes originaires de la corne de l'Afrique (Soudan, Erythrée, Somalie...). Il s'agit surtout d'adultes isolés âgés de 20 à 30 ans. Mais il y avait aussi des familles avec des femmes et des enfants. Toutes les situations relevant de l'enfance en danger ont trouvé des solutions immédiates. Il n'était pas question de laisser des enfants dans de telles situations indignes.
Quelles étaient les conditions de vie sur place ?
N'étant pas médecin, je ne peux qualifier l'état de santé de ces personnes, mais l'urgence sanitaire était évidente. Les personnes vivaient à la rue sans eau, sans électricité, sans possibilité de se faire à manger, avec une vague tente pour seul abri.
Ces conditions de vie totalement indignes perduraient depuis la fin de l'été dernier, d'autant que le campement n'a cessé de grossir. Il y avait environ 200 personnes au début de l'année, et près de 400 ces derniers jours.
Cet hiver, nous avons distribué des duvets, ouvert nos accueils de jour pour qu'ils puissent s'alimenter, se vêtir, prendre une douche, voir des médecins, suivre des cours de français s'ils le souhaitaient.
Que vont devenir les migrants évacués ?
Les personnes vont être hébergées selon deux principales situations. Celles relevant du droit d'asile vont être hébergées dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Les autres ont été acheminées vers différents centres d'hébergement d'urgence en Ile-de-France.
L'hébergement d'urgence ne garantit pas de places pérennes. Il se peut donc que certains se retrouvent à nouveau à la rue dans quelques jours...
Nous allons suivre l'évolution de la situation. Pour nous, il est clair qu'il ne faut pas que ces personnes se retrouvent à nouveau à la rue. D'une manière générale, il faut que ces situations soient traitées de manière beaucoup plus anticipée. Nous appelons à un tour de table entre tous les partenaires : l'Etat, la Ville de Paris et les associations. Il faut que l'on se pose et que l'on discute de la manière dont on peut régler la question de ces campements.
Pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps avant qu'une solution ne soit trouvée ?
Les associations ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur cette situation, mais il fallait régler la question de la dignité de la sortie. Nous avons plaidé pour une évacuation accompagnée et digne. Lorsque la décision de la préfecture de police a été prise, il y a quelques jours, cela ne pouvait pas intervenir immédiatement : du temps était nécessaire pour mobiliser les places adaptées dans un contexte d'hébergement tendu.
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