Le Royaume-Uni en fait-il assez pour aider à régler le problème des migrants à Calais ?
Alors qu'en France, plusieurs politiques pointent du doigt la responsabilité des Britanniques, Londres vient d'annoncer de nouvelles mesures pour tenter de limiter l'afflux de migrants.
"S'il continue à ne rien proposer d'autre, laissons partir les migrants et que monsieur Cameron gère sa politique à sa façon, mais sur son île." L'avertissement de Xavier Bertrand a-t-il été entendu par le Premier ministre britannique ? Toujours est-il que son gouvernement a annoncé, lundi 3 août, de nouvelles mesures pour tenter de limiter l'afflux de migrants clandestins à l'entrée du tunnel sous la Manche. Mais ces dispositions seront-elles suffisantes ? Francetv info s'interroge sur la responsabilité du Royaume-Uni vis-à-vis de la situation à Calais : le pays en fait-il assez pour contribuer à trouver une solution au problème ?
Il prend de nouvelles mesures contre les clandestins
Avec la volonté de se montrer ferme dans le dossier, le gouvernement Cameron a proposé de nouvelles mesures dans son projet de loi sur l'immigration prévu à l'automne. Londres souhaite que les propriétaires louant leur logement à des immigrés clandestins puissent être condamnés à de la prison et non plus à une simple amende. Il est aussi question de saisir les salaires des travailleurs clandestins. Mais pour le député des Républicains Xavier Bertrand, interrogé par francetv info, ces solutions ne sont qu'à moitié satisfaisantes : "Les choses bougent, on voit que le débat est désormais posé en Angleterre, mais malgré ces avancées, cela reste insuffisant. On ne peut pas se contenter de demi-mesures, de solutions gentillettes."
Même s'il déplore des "réflexes politiques consistant à chercher des boucs émissaires plutôt que des solutions", le chercheur Gérard-François Dumont confirme à francetv info la faible portée de ces mesures. "Il s'agit d'un effet d'annonce du gouvernement anglais vis-à-vis de son opinion publique, mais ces mesures seront très difficiles à appliquer et elles ne vont pas changer l'attractivité du Royaume-Uni par rapport à la France", explique ce professeur à la Sorbonne, auteur de Géopolitique de l'Europe. De l'Atlantique à l'Oural.
Du côté britannique, ces annonces ont également provoqué une forme de scepticisme, témoigne Laetitia Strauch-Bonart, journaliste et chercheuse basée à Londres : "L'opinion, qui est très sensible au sujet de l'immigration, considère que c'est assez peu et trouve par ailleurs surprenant de faire porter la responsabilité de la situation sur les propriétaires ou les employeurs."
Il tente de casser l'image d'Eldorado pour migrants
Pour le Royaume-Uni, l'objectif reste de casser son image de terre d'asile idéale pour les migrants, comme le note Laetitia Strauch-Bonart : "Ils veulent tout faire pour dissuader les migrants de venir, ce qui explique le durcissement des conditions ces derniers mois, notamment au niveau des aides sociales." Mais pour Xavier Bertrand, si le Royaume-Uni veut stopper "l'appel d'air", il doit avant tout changer en profondeur sa législation sur le travail illégal des clandestins.
"Il y a une part de vérité dans les propos de Xavier Bertrand, mais c'est également un peu absurde car il y a autant de travail clandestin en France. La seule différence, c'est que l'économie marche beaucoup mieux en Angleterre", répond Laetitia Strauch-Bonart. Pour Gérard-François Dumont, malgré toutes ces mesures, les migrants vont continuer à considérer qu'ils ont plus d'opportunités outre-Manche, car en plus des raisons économiques, "ils parlent généralement déjà anglais et ont des amis ou de la famille sur place pour les aider. Et surtout, l'absence de carte d'identité permet aux migrants de rester beaucoup plus facilement dans le pays".
Il apporte une aide à la France
En plus de son projet législatif, Londres a également pris des mesures d'urgence pour tenter d'améliorer la situation à Calais. Depuis lundi, des garde-frontières anglais opèrent dans la salle de commandes du tunnel sous la Manche, et une centaine de gardes supplémentaires devrait être déployée au terminal de Calais. Le Royaume-Uni avait déjà promis d'investir 10 millions d'euros pour renforcer les grillages autour du terminal ferroviaire, et annoncé l'envoi de chiens renifleurs en renfort.
"Dix millions, ça reste insuffisant et, de toute manière, la réponse ne peut pas être de disposer des barbelés partout", rétorque Xavier Bertrand. Londres doit donner plus de moyens à la France pour gérer la situation, confirme Gérard-François Dumont : "Rappelons que le périmètre de la zone [de sécurisation autour du site] est de 28 kilomètres." Le chercheur évoque aussi la nécessité d'une meilleure coopération dans les "systèmes d'informations, notamment sur le rôle de certains passeurs".
Il veut surtout conserver sa spécificité à l'intérieur de l'UE
Si Londres a accepté de venir en aide à la France et de prendre des mesures à l'intérieur de ses frontières, c'est avant tout pour conserver la spécificité de sa situation en Europe. "Londres déploie ces mesures de manière très pragmatique. Il n'y a aucun sentiment de culpabilité à l'égard de la France. En toute objectivité, ils sont dans une logique assez égoïste", affirme Laetitia Strauch-Bonart. Le gouvernement anglais souhaite conserver sa situation hors de l'espace Schengen ainsi que les accords du Touquet de 2003. Ces derniers visent à renforcer les contrôles au départ de la France pour réguler l'immigration clandestine au Royaume-Uni. "Ils feront tout pour ne pas renégocier ces accords", confirme Laetitia Strauch-Bonart.
Mais David Cameron, qui souhaite renégocier les traités européens sur la souveraineté britannique et l'immigration, pourrait se voir contraint. "S’il veut ouvrir la question des traités, il est alors possible de poser la question des frontières", prévient Xavier Bertrand, "et si l'on ne parvient pas à s’entendre, on mettra la frontière à Douvres, et les Anglais devront gérer la question des migrants." Mais pour Gérard-François Dumont, cela ne réglerait rien : "Les Britanniques renverraient les migrants à Calais et ça ne serait qu'une continuelle partie de ping-pong."
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